Un peu partout, on vandalise ou on déboulonne les statues de personnages liés à la colonisation ou à l’esclavagisme.
Il est insuffisant de dire que le vandalisme n’est pas une réponse adéquate puisque la décision de retirer une statue est souvent prise par les autorités elles-mêmes.
Ces dernières ont aussi des attitudes différentes.
« La République, disait récemment Emmanuel Macron, ne déboulonnera pas de statues. »
Il ajoutait :
« Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations, mais ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du passé » et un « combat inacceptable quand il est récupéré par les séparatismes ».
Aux États-Unis, par contre, les autorités retirent la statue de Robert E. Lee ou le drapeau confédéré devant des assemblées législatives.
Complexe
D’un côté, on peut plaider qu’enlever une statue n’efface pas le passé et qu’il y a des injustices plus urgentes à combattre.
De l’autre, l’histoire est écrite par les vainqueurs et ils s’y donnent le beau rôle.
D’un côté, ces statues peuvent blesser les descendants de ceux qui ont souffert sous le joug de l’homme glorifié.
De l’autre, elles font en sorte qu’on n’oublie pas, voire qu’on tire des leçons.
D’un côté, il est problématique de vouloir imposer la sensibilité d’aujourd’hui sur les mentalités de jadis.
Trouveriez-vous raisonnable que, dans 300 ans, on nous reproche d’avoir pensé comme on pensait en 2020 ?
De l’autre, une statue, c’est plus qu’une mention dans un livre d’histoire. La statue exalte, glorifie, donne cette personne en exemple.
La mise en contexte est la première victime de la furie actuelle.
Il n’y a pas de statues d’Hitler, car il fut le principal responsable du pire génocide jamais commis.
Il y a des statues de George Washington, pour souligner son rôle immensément positif, malgré qu’il possédait des esclaves, parce qu’en Virginie, à la fin du 18e siècle, tous les Blancs riches en possédaient.
Le cas de Washington est différent de celui de Ben Tillman, statufié lui aussi, sénateur de Caroline du Sud, qui faisait carrément des discours vantant le lynchage.
Victor Schœlcher, dont la statue a été attaquée, a certes tenu des propos qui ne passent plus aujourd’hui sur la mission civilisatrice des Blancs, mais il fit aussi adopter le décret abolissant l’esclavage en France en 1848.
Faut-il tenir compte de l’intention de ceux qui érigèrent la statue ?
La statue déboulonnée d’Edward Colston, à Bristol, en Angleterre, rend hommage à son immense contribution philanthropique à sa ville bien-aimée.
Mais il avait les moyens d’être généreux... à cause de son commerce d’esclaves. Pas simple...
Sérénité ?
Personnellement, je penche du côté du non-déboulonnement, de l’ajout de plaques explicatives proposant diverses interprétations, et de l’érection d’hommages à des figures injustement oubliées.
Idéalement, il faudrait prendre chaque décision sur la base d’une analyse fine faite par des spécialistes.
Mais dans les universités d’aujourd’hui, incubateurs de tous les délires idéologiques, vous aurez un mal croissant à trouver des spécialistes objectifs de ces questions.
Pas facile, je vous disais...