Je m’avance sur une pente glissante et je vais probablement me faire crucifier par les bien-pensants qui trouvent qu’on ne devrait jamais critiquer certaines minorités, mais je m’en balance et je me lance. Advienne que pourra.
Une version délavée
Comparée à la Charte des valeurs de Bernard Drainville, la loi 62 sur la neutralité religieuse de l’État est un grand verre de Kool-Aid.
Un litre d’eau avec un peu de couleur.
Si Bouchard-Taylor était le rez-de-chaussée du consensus social, nous sommes ici au troisième sous-sol.
On ne demande même plus aux fonctionnaires en position d’autorité d’enlever leurs signes religieux ostentatoires.
Vous êtes infirmière, enseignante ou éducatrice en garderie et vous voulez porter un voile ? Pas de problème, allez-y.
Vous êtes juge ou gardien de prison et vous voulez porter une kippa ? Aucune loi ne vous en empêchera.
Ce combat-là a été abandonné.
Jeté aux poubelles de l’Histoire.
La Charte est maintenant considérée par les péquistes comme une déplorable crise de bacon de leur parti.
Madame Marois a envoyé son fidèle soldat Drainville au front et la grenade lui a explosé en plein visage.
Bien lui en prit : l’ex-ministre coule maintenant des jours heureux loin du champ de bataille politique, bien au chaud dans le sanatorium médiatique où officient d’autres grands blessés du débat social.
Fin de non-recevoir
Tout ce qu’on demande maintenant est de dévoiler votre visage lorsque vous donnez ou recevez des services de l’État.
C’est tout.
Une demande qui tombe sous le sens et qui ne fait de mal à personne.
Or, même ça, c’est trop.
Ce compromis proposé du bout des lèvres et avec de longs gants blancs qui vont jusqu’aux coudes a été accueilli par une fin de non-recevoir par les porte-parole de la communauté musulmane et les habituels défenseurs des droits et libertés.
Cette loi délavée venait tout juste de voir le jour qu’elle a tout de suite été jugée « discriminatoire » par le Conseil national des musulmans et contestée en Cour supérieure.
On ne demandait pourtant pas la mer à boire.
Juste un petit geste.
On fait 10 pas vers vous, vous en faites un vers nous. Un bon deal, non ?
Juste un petit pas symbolique.
Eh bien, non.
Le 1er décembre, le juge Babak Barin a ordonné le sursis de l’article 10 de la loi qui indique que la prestation et la réception de services publics doivent se faire « à visage découvert » au Québec.
Une loi qui va trop loin ?
Même quand on fait juste parler du voile intégral, un voile qui va à l’encontre de toutes nos valeurs d’égalité, on se fait répondre non. Non, non, non.
Ce n’était pourtant pas une demande si inacceptable que ça.
Un petit prix à payer pour jouir de tous les avantages que notre société a à offrir.
Mais non.
Même la timide loi 62, qui ne va pourtant nulle part et qui n’encadre même pas les demandes d’accommodements qui se multiplient pourtant à la vitesse grand V dans les écoles et les hôpitaux (ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les syndicats), est considérée comme allant trop loin.
Dommage.
Va falloir retourner à la table de travail.
Pour se faire encore dire non.