LA « DÉMOCRATIE » POUR LES AFFAMÉS
La semaine dernière nous avons vu que pour liquider les révoltes arabes
avant qu’elles ne dégénèrent en une révolution anti-impérialiste
incontrôlable (qui risquait de mettre à mal la domination des puissances
étrangères dans cette région du monde), toute la coterie de « gauche » a
brandi l’épouvantail de la « démocratie bourgeoise », solidement arrimée au
char américain piloté par Hillary Clinton, leur nouvelle pythie «
révolutionnaire » (1).
Les peuples arabes se sont révoltés, hurlaient en chœur Hillary et sa
chorale de « gauche », pour obtenir l’insigne privilège de mourir de
faim, d’être mal logés, de croupir au chômage et de ployer sous
l’exploitation dans le cadre d’un régime « démocratique bourgeois », et
seulement après avoir apposé une croix sur le bulletin de vote identifiant
le larbin national qui présiderait à la curée étrangère de la plus value et
des ressources minières et pétrolières.
« Passez votre chemin bonnes gens, le scrutin a eu lieu et il n’y a plus
rien à voir. On vous dira qui vous avez choisi et s’il n’est pas membre du
sérail on recommencera le scrutin « libre et démocratique ». Et de grâce,
débarrassez-nous de ces barricades menaçantes Place Tahrir et retournez à
votre vie misérable, peuples arabes. ».
EN OCCIDENT
Pas question de brandir cette fumisterie « démocratique » pour apaiser, –
éteindre ou écraser – les révoltes populaires en Occident. Il y a déjà
plusieurs décennies que les peuples d’Europe, d’Amérique du Nord et
d’Australie-Nouvelle-Zélande-Japon bénéficient du privilège de choisir «
démocratiquement » leur garde-chiourme national.
Encore récemment ils ont eu le loisir de permuter Bush contre Obama et de
porter Blingbling Sarko au sommet de l’Élysée. Bientôt ils pourront
choisir un candidat « socialiste » pour défendre les politiques des riches
au parlement français. Même chose au Royaume-Uni, en Allemagne, au Canada, et caetera.
Alors quelle nouvelle mystification inventée pour calmer ces enragés de la
chaussée ? Simple, ne jamais confronter les insurgés directement, cela
demeure la prérogative de la police, de l’armée, du Front National, de la
LDJ et tutti quanti.
Premier mouvement : la « gauche » caviar et ses amis sociaux-démocrates,
dans leur mission de récupération au service du capital, doivent d’abord
acquiescer aux récriminations des affamés, des pauvres et des malandrins,
sans négliger les réclamations de la petite bourgeoisie en voie de
paupérisation. Il est important de ne pas oublier ce groupe social, car
justement cette sous-classe servira de levier au moment du deuxième
mouvement de l’opération récupération. Nous y reviendrons.
DÉMONSTRATION DE L’OPÉRATION RÉCUPÉRATION
Cette fois nous sommes dans une salle de conférence à l’Université du
Québec à Montréal. L’événement aurait pu se passer à Nanterre, à la
Sorbonne, à Berkeley, ou à la Humboldt Universität, peu importe, les
universités d’été foisonnent depuis qu’il est programmé de récupérer les
révoltes populaires spontanées au nord de l’Hémisphère.
Un nouveau pageant de sommités, d’experts et de militants syndicaux de tout
acabit défile à l’avant de la scène. Quelques caractéristiques communes :
ils sont loquaces, ont beaucoup de bagou et ils s’écoutent paraphraser
espérant que personne dans la salle ne viendra les contrarier. Il est
permis d’être obséquieux et de les questionner mais de façon que la
question complaisante suggère une réponse évidente. Les panélistes se
lancent à l’assaut de l’assistance, les gros mots fusent et tonnent tels
des coups de tonnerre au milieu de la salle indifférente parce que
parfaitement consciente de la futilité de ces algarades de paumés : « À bas
le capitalisme » murmure le premier ; « Il faut casser le régime »
renchérit le second ; « Le capitalisme n’a pas d’avenir » s’exclame un
troisième ; tonitruant, la quatrième s’exclame « Soyons maître chez-nous »
; le cinquième, n’y tenant plus, proclame « Rapatrions notre butin d’Ottawa
! » ; La dernière exige que les multinationales soient muselées. La soirée
s’annonce agitée, me dis-je juché sur mon canapé.
UNE RÉVOLUTION CONTRE UN PONT
À la deuxième volée de bois vert (deuxième tour de parole), le ton change
brusquement, le représentant social-démocrate exige que le gouvernement
répare le pont Champlain en décrépitude ; le second annonce qu’il réclamera
au parlement que l’armée range les sacs de sable après les inondations
printanières ; le troisième exige que l’on répare les routes du pays ; la
quatrième s’inquiète que les soupes populaires reçoivent moins de
subventions du gouvernement ; la cinquième demande que l’on prenne en
compte les droits des animaux dans toutes ces revendications «
révolutionnaires » ; la sixième suggère de hausser le taux de redevances
ridiculement bas des entreprises minières qui spolient les ressources
naturelles canadiennes. Je me suis abstenu de l’informer qu’en fait les
multinationales américaines, australiennes et chinoises, aussi bien que
canadiennes, du pétrole et des mines reçoivent davantage en subventions de
la part des divers paliers de gouvernement qu’elles ne versent en royautés
et en impôts combinés. En effet, le peuple canadien subventionne la
spoliation de ses ressources naturelles et leur exportation vers les USA,
la Chine, etc.
Je vous prie de noter que le deuxième mouvement de l’opération récupération
que nous annoncions plus tôt est déjà enclenché. Il est évident que ces
petits-bourgeois ne souhaitent nullement renverser le capitalisme, mais
plutôt le reconditionner – le rafistoler – afin de camoufler ses plus
évidentes manifestations de prévarication et d’exploitation et permettre
ainsi à cette péripatéticienne sur le retour de se refaire une virginité.
Toutes ces revendications pseudo « révolutionnaires » mises de l’avant par
ces intervenants sont déjà en cours de réalisation de la part de l’État
bourgeois. Il est entendu que les ponts et chaussées doivent être réparés
afin de permettre aux travailleurs de se rendre sur leur lieu
d’exploitation. La petite bourgeoisie du Chili et d’Argentine a déjà servi
cette médecine au peuple chilien et argentin. La Grèce, le Portugal et
l’Espagne seront probablement les prochains à casquer. Le Parti National
Socialiste d’Adolphe Hitler tenait également de tels propos avant son
élection au Reichstag allemand.
LES OPPORTUNISTES À L’ŒUVRE
Le troisième tour de table annonce le troisième mouvement de l’opération
récupération. Dans l’euphorie du moment, quelques propositions étranges
surgissent de l’assistance. L’un suggère de voter l’application de la taxe
Tobin ; le second réclame que l’on nationalise les multinationales minières
et pétrolières. Un jeune doctorant voudrait que l’on nationalise les
banques canadiennes et étrangères sévissant au Canada. Cette fois la foule
est bouche bée, personne ne plaisante car tous comprennent que personne ici
ne possède l’autorité ni le pouvoir de réaliser ces vœux pieux.
À mes questions : « Comment réaliserez vous ce programme minimaliste ?
»(2), « Comment imposerez-vous vos volontés aux pouvoirs bourgeois, et à
ces gouvernements que vous élisez depuis cent ans et qui, sitôt au
gouvernement, ne tiennent aucun compte de vos demandes ? ». On aura compris
que nous sommes ici au cœur de la question révolutionnaire… la question de
la prise de contrôle du pouvoir d’État et de son monopole de la violence
légale.
« Nous changerons encore de gouvernement et par la toute puissance des
urnes et de notre bulletin de vote assassin, nous ferons plier les riches à
la fin, rétorque le président de l’Université d’été. Toujours plus de ce
qui n’a jamais marché, entonne en chœur l’assemblée. » (3).
Plus d’un siècle de cette « guérilla démocratique par les urnes » futile
n’aura pas suffi à décourager ces « bobos » excités. Toutes ces Universités
d’été ne sont organisées que pour insuffler dans la tête de quelques
étudiants, syndicalistes, professeurs d’universités, féministes et autres
militants agités l’idée que l’on peut rapiécer – raccommoder – et ainsi
sauvegarder ce système capitaliste anarchique, inefficace, exploiteur,
prévaricateur, injuste et incapable d’assurer l’alimentation, le logement,
l’habillement, l’éducation, le bien être et la sécurité de toute
l’humanité.
Ce n’est pas par machiavélisme que politiciens bourgeois, spéculateurs
boursiers, dirigeants de multinationales, milliardaires spoliateurs et
banquiers gouailleurs ne parviennent pas à sauver ce système économique
moribond, c’est parce que les lois inéluctables de son développement
historique enclenchent inexorablement les contradictions qui l’amènent à sa
perdition. Le capital (en propriété privée) avale la plus value (valeur
ajoutée) qu’il se doit de spolier au seul producteur de plus value qui
soit, l’ouvrier, cet ouvrier lui n’a que sa force de travail à offrir
contre salaire pour survivre et reproduire sa force de travail (sa
famille).
Et ainsi va ce système archaïque, d’un côté l’opulente accumulation de la
richesse et de l’autre la dilapidation des forces productives et le
gaspillage de marchandises; d’un côté la destruction de la nourriture et
des biens et la consommation à crédit de marchandises inutiles au Nord ; de
l’autre, la famine et la mal nutrition la plus abjecte au Sud.
C’est au moment où la misère s’approche des banlieues du Nord que la petite
bourgeoisie opportuniste s’active espérant sauver ses biens, son emploi et
ce système économique et politique qui l’a si bien servie pendant quelques
décennies.
Mais voilà que la crise récurrente du système impérialiste est aux portes
des mégalopoles occidentales, elle y est même déjà implantée dans les
quartiers populaires et les zones d’immigration récente où s’entassent les
pauvres du Sud, fuyant la misère qui s’est d’abord manifestée sous les
Tropiques avant de les poursuivre jusqu’ici.
Malgré tous les efforts de ces ténors de la « gauche pluriel » pour sauver
le capitalisme, ce ne sera pas possible à long terme ; mais à court terme
il se peut que tous ceux-la parviennent à dérouter la marche des révoltés,
à leur faire accepter de plus grands sacrifices afin de prolonger l’agonie
de ce système moribond.
Sans théorie révolutionnaire, pas d’organisation révolutionnaire. Sans
organisation révolutionnaire pas de révolution, disait Vladimir Ilitch
Oulianov. L’avant-garde des soulèvements populaires doit se réapproprier
l’immense expérience accumulée au cours des années, de la Commune de Paris
aux soulèvements récents en passant par la Révolution d’octobre et alors
tout sera possible.
« On a raison de se révolter », ainsi parlait Zarathoustra… je crois.
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La semaine prochaine: «Quelques théories fumeuses à propos de la crise
capitaliste»
(1)
http://www.centpapiers.com/reformons-le-capitalisme-avant-qu%e2%80%99il-ne-s%e2%80%99effondre/80739
et
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/reformons-le-capitalisme-avant-qu-99841?
(2) Programme réformiste minimaliste car la nationalisation des banques et
des minières ne constitue pas un programme socialiste. Les « socialistes »
français ont déjà nationalisé certaines banques puis les ont privatisés
sans changer le système économique.
(3) C’est l’utopie pseudo démocratique des « bobos », les ouvriers et les
immigrants ne votent plus depuis longtemps, particulièrement aux
États-Unis.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Comment sauver le capitalisme en Occident
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