Affaire Huawei: la Chine enrage, la tension monte avec les États-Unis

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Les Chinois sont culottés : ce sont les premiers à ne pas respecter les règles du commerce international


PÉKIN | La Chine a accusé mardi les États-Unis d’avoir des «visées politiques» en annonçant une longue série de chefs d’inculpation visant le géant chinois des télécoms Huawei, une affaire qui exacerbe les tensions diplomatiques entre Pékin et Washington.  


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Le ministère américain de la Justice a dévoilé lundi 13 chefs d’inculpation, liés à des violations des sanctions américaines contre l’Iran, à l’encontre du groupe chinois et de sa directrice financière Meng Wanzhou, arrêtée au Canada en décembre à la demande des enquêteurs américains.   


Il a également inculpé deux filiales de Huawei pour vol de secrets industriels, le jour même de l’arrivée à Washington du négociateur en chef chinois sur les questions commerciales, Liu He. Ce dernier devra mener cette semaine des pourparlers à haut niveau, dans un contexte désormais très compliqué.    


L’interpellation de Meng Wanzhou, fille du fondateur du groupe, a déjà provoqué de forts remous diplomatiques entre le Canada et la Chine. La dirigeante est actuellement en liberté surveillée à Vancouver.   


Très remonté, le ministère chinois des Affaires étrangères a fermement dénoncé mardi les «visées politiques et les manipulations politiques» derrière les inculpations visant Huawei.   


«Les États-Unis utilisent le pouvoir de l’État pour discréditer et attaquer certaines entreprises chinoises, dans une tentative d’étrangler leurs opérations, qui sont légitimes et légales», a indiqué lors d’un point presse régulier Geng Shuang, un porte-parole du ministère.   


«Nous exhortons fermement les États-Unis à mettre fin à la répression injustifiable visant les entreprises chinoises, dont Huawei, et à les traiter de manière objective et équitable. La Chine défendra avec fermeté les droits et intérêts légitimes des firmes chinoises.»   


Les inculpations visant Huawei constituent un nouveau coup dur pour ce géant mondial, numéro deux planétaire des ventes de smartphones, dont des équipements télécoms ont été rejetés aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande sur fond de craintes relatives à la sécurité nationale.   


Robot copié?   


En plus des accusations de fraude sur l’Iran, le groupe chinois est soupçonné d’avoir volé des technologies. Ses ingénieurs se seraient intéressés, dans un laboratoire de T-Mobile situé dans l’État de Washington, au robot «Tappy», imaginé par l’opérateur télécoms pour reproduire un doigt humain et tester des appareils cellulaires.   


«Ces deux séries d’inculpations mettent au jour les actions éhontées et persistantes de Huawei pour exploiter les sociétés et institutions financières américaines et pour menacer la concurrence mondiale libre et équitable», a déclaré le directeur du FBI Christopher Wray.   


Le ministre américain de la Justice par intérim, Matthew Whitaker, a assuré lundi que rien, dans l’acte d’inculpation, ne suggérait une implication du gouvernement chinois dans cette affaire.   


Mais «comme je l’ai dit à des responsables chinois en août, la Chine doit s’assurer que ses ressortissants et ses sociétés respectent la loi», a-t-il ajouté.   


Dans un communiqué transmis à l’AFP, Huawei s’est déclaré «déçu» et a démenti avoir commis le moindre méfait. La compagnie a dit n’avoir «pas connaissance d’actes répréhensibles de la part de Mme Meng et est persuadée que les tribunaux américains aboutiront à la même conclusion».   


Demande d’extradition 


Les États-Unis auraient émis une demande formelle d’extradition visant Meng Wanzhou, selon la télévision canadienne CBC, alors que la dirigeante doit comparaître le 6 février devant un juge canadien sur ce dossier.   


«Un processus d’extradition est initié par un pays, dans le cas qui nous occupe, les États-Unis, qui demande au pays dans lequel se trouve la personne qu’il veut accuser, et éventuellement condamner de remettre cette personne au pays pour qu’elle soit traduite devant les tribunaux», a expliqué Daniel Turp, professeur titulaire à la Faculté de Droit de l'Université de Montréal.  




Puisque Mme Meng pourrait être accusée des mêmes crimes ici au Canada qu'aux États-Unis, un juge est en mesure d'autoriser l’extradition, a précisé M. Turp.  


«Avec les accusations d’hier, on est vraiment sur le terrain du droit et du droit criminel», a-t-il précisé, précisant que l’affaire dépasse les questions de politique et de politique commerciale. 


Or, rappellons que neuf jours après l’interpellation de Mme Meng, la Chine a arrêté deux Canadiens, dans ce qui a été largement interprété comme des mesures de représailles.   


«Ne vous attendez pas à ce que ça se règle rapidement, a prévenu Daniel Turp. Ça peut aller jusqu’en Cour suprême.» 


«Déclaré à tort»   


La justice américaine reproche à Huawei, à ses filiales et à la dirigeante d’avoir cherché à dissimuler les activités du groupe en Iran. La directrice financière est notamment accusée d’avoir «menti de façon répétée» aux banques.    


L’acte d’inculpation mentionne également son père Ren Zhengfei, le fondateur du groupe chinois. Celui qui fut ingénieur dans l’armée chinoise durant ses jeunes années aurait «déclaré à tort» au FBI en 2007 que son entreprise «n’a jamais été directement en relation avec une société iranienne».   


M. Ren n’a cependant pas été inculpé.    


Ces accusations ont été annoncées sur fond de guerre commerciale déclenchée en 2018 contre la Chine par le président américain Donald Trump, et menée à coups de taxes douanières.   


De nouvelles négociations commerciales doivent reprendre cette semaine à Washington, où le milliardaire républicain va rencontrer le vice-Premier ministre Liu He, à la tête de la délégation chinoise.    


Les inculpations visant Huawei «n’ont rien à voir avec nos négociations commerciales avec la Chine», a assuré lundi le ministre américain du Commerce, Wilbur Ross. Mais il a aussitôt ajouté que son ministère continuerait de travailler avec le reste du gouvernement «pour protéger les intérêts de sécurité nationale».