Le gouvernement de Stephen Harper a plongé le Canada dans une crise politique majeure au pire moment que l'on pouvait imaginer. L'impasse est si totale qu'aucun des scénarios évoqués ne réussira à sortir élégamment le Canada de la crise, qu'aucune solution ne donnera aux Canadiens ce dont ils avaient besoin en cette période de tourmente, soit un gouvernement stable, compétent et légitime.
Tout ce qu'on peut espérer, c'est que l'on puisse trouver la solution la moins mauvaise. La stratégie à laquelle s'accrochent les conservateurs, qui consisterait à proroger la session jusqu'en janvier, pour ne pas être renversés et remplacés par un gouvernement de coalition entre libéraux et néo-démocrates, est probablement celle qui permettrait de limiter les dégâts.
Parce qu'elle permet de gagner du temps et de calmer les esprits échauffés des politiciens fédéraux. Parce qu'elle s'inscrit mieux dans les traditions parlementaires. Et parce qu'elle reste, même si elle n'est pas attrayante, moins mauvaise que l'alternative, la coalition bancale entre libéraux et néo-démocrates.
Le premier ministre Harper et son entourage sont les grands responsables de cette crise. Leur énoncé économique de la semaine dernière était inacceptable. Il contenait des mesures politiques dont le caractère partisan était scandaleux. M. Harper se refusait à une intervention énergique dans un contexte de crise. Ces deux choix trahissaient la volonté du gouvernement d'imposer les dogmes du conservatisme extrême.
Cet énoncé soulevait un problème de légitimité démocratique parce que les conservateurs brisaient le lien de confiance avec des électeurs qui ont souhaité un leadership économique et qui ont exprimé leur méfiance face à l'idéologie hyper conservatrice.
Les trois partis de l'opposition avaient raison de dénoncer ces manoeuvres. Mais dans notre système parlementaire, la façon classique d'agir pour l'opposition, si elle ne voulait pas renverser le gouvernement si tôt après une élection, c'était de le forcer à rectifier le tir. C'est ce qui est en train d'arriver. Les conservateurs ont déjà retiré les mesures les plus inacceptables, comme la fin du financement public des partis. Et devant la fermeté imprévue de l'opposition, ils n'auront pas d'autres choix, s'ils survivent jusqu'en janvier, que de proposer un budget qui devra être acceptable.
Il est vrai que la réaction des conservateurs montre une absence totale de repentir. Leur contre-attaque contre la «coalition séparatiste» reste brutale et franchement primaire. Mais ne nous trompons pas. Ce gouvernement, affaibli, est sous haute surveillance et son espérance de vie est réduite.
La survie des conservateurs, après le fiasco de l'énoncé économique, n'a donc rien d'attrayant. Mais l'alternative est encore plus indigeste. La coalition raboudinée par les libéraux et les néo-démocrates, avec l'appui du Bloc québécois, a quelque chose de malsain. Pas parce qu'elle repose sur l'appui des séparatistes, comme le répètent les conservateurs. Mais parce qu'elle imposerait aux Canadiens un gouvernement de centre gauche, dont le programme est un catalogue, qui n'a pas, lui non plus, de légitimité démocratique.
Les Canadiens n'ont pas voté pour Stéphane Dion, encore moins pour voir le NPD au pouvoir. Une des causes de l'échec des libéraux de Stéphane Dion était justement son incapacité à avoir bien occupé le centre de l'échiquier politique. Il dirigerait un gouvernement tiré encore plus à gauche par la présence d'un NPD dont les idées sont marginales.
Il y a en outre quelque chose de presque loufoque à voir Stéphane Dion, chef du PLC par accident, devenir premier ministre par accident, après avoir reçu une très claire rebuffade des électeurs et après avoir été chassé par son propre parti. Bien sûr, dira-t-on, il sera remplacé en mai par celui qui le remplacera à la tête du Parti libéral. Mais justement, où est la stabilité? Et quel cadeau pour celui qui le remplacera, probablement Michael Ignatieff, qui aura les mains liées par une entente dont il n'est pas maître?
Ne nous contons pas d'histoires. Le Canada ne connaîtra pas la stabilité politique dont il a besoin. Parce que les conservateurs sont maintenant en crise. Avec sa terrible erreur, M. Harper a compromis son propre avenir, il a affaibli son parti, et il a anéanti les chances de succès de son agenda réformiste. Et que les libéraux sont aussi en crise, avec un chef discrédité, un parti divisé et une lutte au leadership qui sera difficile.
Tout cela nous mènera, plus tôt que tard, à des élections, que l'on aime cela ou non.
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