QUÉBEC

À l’impossible nul n’est tenu

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Le Devoir en est rendu à trouver des excuses au gouvernement Couillard !

Philippe Couillard le répète inlassablement : son gouvernement entend redresser les finances publiques tout en relançant l’économie. Or, sur les deux fronts, il éprouve des difficultés. Les coupes en éducation, la modulation des frais de garde créent des remous même dans les rangs libéraux. Sur le plan économique, les pertes d’emplois assombrissent des résultats déjà poussifs. Les libéraux avaient promis la lune en campagne électorale ; d’aucuns se demandent aujourd’hui s’il y a même de la lumière au bout du tunnel.​

La reprise économique est bel et bien amorcée au Québec. C’est du moins ce qu’a soutenu cette semaine le ministre des Finances, Carlos Leitão. Et si cette reprise est imperceptible, c’est qu’il s’agit d’une « reprise économique sans emploi », a avancé l’auguste économiste. « A jobless recovery », comme disent les Américains. « Cela s’est vu », a ajouté le ministre.

En fait, les données sur l’emploi depuis l’élection des libéraux ne sont guère reluisantes. Elles montrent qu’il s’est perdu 82 000 emplois à temps plein depuis le 7 avril et, bien qu’il faille interpréter ces données avec prudence, elles indiquent une détérioration du marché de l’emploi. On assisterait non pas à une reprise sans emploi, mais plutôt à une reprise avec perte d’emplois. Ça, c’est du jamais vu.

En campagne électorale, Philippe Couillard, fier comme un paon, avait présenté son équipe économique formée de deux économistes, Carlos Leitão et Martin Coiteux, et du banquier d’affaires Jacques Daoust. Le chef libéral avait promis de créer 250 000 emplois en cinq ans. Un beau chiffre rond. C’était 10 000 emplois de plus par an que les 40 000 créés en moyenne sous le règne de Jean Charest.

L’objectif semblait réaliste même s’il apparaissait suspect que ces économistes patentés n’aient pas parlé du véritable défi auquel fait face l’économie du Québec, qui n’est pas tant la création d’emplois que l’augmentation de la productivité. On comprend que c’est moins « vendeur », et 250 000 emplois, ça fait image.

Or le contexte démographique a changé : la population en âge de travailler a commencé à diminuer. Créer des emplois, c’est bien, encore faut-il avoir des gens pour les occuper. L’économiste Pierre Fortin estime que cet objectif est impossible à atteindre. « À moins d’une intervention divine, 125 000 emplois créés en cinq ans sont le maximum envisageable dans le contexte démographique actuel au Québec. Ce serait en soi un beau succès », écrivait-il en septembre dans L’actualité.

Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations, Jacques Daoust, reconnaît que l’efficacité du message politique a primé la rigueur théorique quand il fut temps de faire cette promesse électorale. « Si je m’étais engagé à 30 000 [emplois par an], vous auriez dit : pas fort. Si je m’étais engagé à 40 000, vous auriez dit : il n’y a rien là, c’est ce qu’on fait régulièrement. Un engagement, ça doit être ambitieux. Notre engagement est ambitieux ? Tant mieux, on va travailler plus fort pour y arriver », explique-t-il au Devoir.

Pour Jacques Daoust, Pierre Fortin oublie de tenir compte du phénomène qui fera que les baby-boomers seront plus nombreux à demeurer sur le marché du travail. La majorité d’entre eux n’ont pas suffisamment épargné pour maintenir leur train de vie à la retraite ; ils seront forcés de se trouver des emplois à temps partiel. « Il va y avoir un phénomène où on va commencer à créer des emplois à temps partiel. Ce n’est pas anormal », prédit le ministre.

Il est vrai que, nulle part dans les documents électoraux du Parti libéral, il n’est mentionné que les 250 000 emplois promis seraient à temps complet. Il fallait y penser.

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a le don de désespérer les stratèges libéraux. Lundi, il affirmait que l’engagement libéral n’en était pas un : « Ce n’était pas une promesse, c’était une cible, un objectif. » Mardi, Philippe Couillard s’est employé à rectifier le tir. « C’est un engagement qu’on veut remplir, a-t-il martelé. On est très déterminés à le faire, il faut le faire, on va y arriver. »

La planche de salut, c’est le Plan Nord. Les travaux déjà annoncés vont créer des milliers d’emplois, promet le premier ministre. C’est peut-être vrai, mais l’industrie, qui connaît des hauts et des bas, ne créera pas des dizaines de milliers d’emplois à court terme. Quant à la stratégie maritime, qu’affectionne tout particulièrement Philippe Couillard, il s’agit d’un projet à long terme.

Et puis, les mines et le transport maritime, c’est un peu court pour assurer l’avenir économique du Québec. L’aéronautique, les jeux vidéo, les technologies de l’information sont sans doute des créneaux plus porteurs. Même les services financiers, comme l’assurance, présentent un intérêt. Sans parler de l’ensemble du secteur manufacturier et de l’agriculture.

Mais il y a davantage dans le plan économique du gouvernement Couillard. C’est « l’intangible » confiance qu’assure en soi la gouverne libérale, selon Philippe Couillard. Encore cette semaine, le premier ministre est revenu à la charge à l’Assemblée nationale. « La plus grande incertitude qui pesait sur l’économie du Québec, l’incertitude politique qui pesait sur le Québec, a été levée le 7 avril », a-t-il déclaré.

Certains douteront de la force divine de la main libérale en matière économique. Toutefois, des développements récents pourraient faire en sorte que le gouvernement Couillard ne perde pas la face. L’économie américaine a repris du souffle et le dollar canadien, en raison de la chute du prix du pétrole, s’est déprécié, ce qui contribue à rendre les exportations québécoises plus abordables. Certes, ces éléments de conjoncture sont moins inspirants que les vastes étendues vierges du Nord québécois. De même, parler de l’amélioration de la productivité, c’est aussi bassement prosaïque.

Quant à la promesse de créer 250 000 emplois en cinq ans, à moins que même les grabataires se décident à intégrer le marché du travail, il faudra l’oublier. On ne peut répéter le truc de Robert Bourassa qui avait promis en 1970 de créer 100 000 emplois. La simple démographie aidant, il en avait créé 130 000 en trois ans. On se fera une raison : ce n’est pas la première promesse électorale qu’un parti aura reniée.


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