Il n’est jamais facile d’écrire en temps réel l’histoire d’un peuple. Ce qui nous semble d’une importance capitale sera peut-être demain jugé trivial. Inversement, il se peut que des événements qui semblent aujourd’hui insignifiants soient plus tard considérés comme essentiels.
Nous ne sommes jamais parfaitement conscients du moment historique que nous vivons.
Mais quelquefois, au fond de nous-mêmes, nous avons la certitude que quelque chose vient de se passer et que nous venons de franchir une étape.
C’est ce qui s’est passé au Québec en 2019. Après près de 25 ans de léthargie post-référendaire, le nationalisme québécois s’est replacé au cœur de notre vie politique. Sa recomposition était visible depuis longtemps, toutefois.
Laïcité
Depuis la crise des accommodements raisonnables, le Québec s’était engagé dans une grande réflexion sur la refondation de son identité collective. L’environnement médiatique y était globalement défavorable. Qui ne répétait pas comme un perroquet les chansonnettes sur la diversité heureuse passait pour un esprit mesquin et rétrograde.
Au fil des ans, c’est l’idée de laïcité qui s’est imposée. À travers elle, le peuple québécois exprimait une valeur fondamentale. Il trouvait aussi le moyen de s’extraire enfin du multiculturalisme canadien en posant les bases de son propre modèle d’intégration, en rappelant qu’on ne saurait vraiment s’intégrer au Québec sans s’intégrer à la majorité historique francophone.
Pendant plus de dix ans, les Québécois ont débattu de cette question, sans jamais parvenir à aboutir politiquement. Il faut dire que le gouvernement libéral s’était retourné contre son propre peuple, qu’il méprisait.
La loi 21 du gouvernement de François Legault, portée par Simon Jolin-Barette, représente, de ce point de vue, davantage qu’une loi sur la laïcité. C’est un symbole d’affirmation nationale. Les Québécois disaient à nouveau : maîtres chez nous !
Qu’on ne se trompe pas : si le gouvernement est encore en lune de miel avec les Québécois, c’est moins pour sa gestion que parce qu’il a su répondre à une aspiration identitaire fondamentale. En nous donnant une première grande victoire collective depuis 25 ans, il a su réanimer la fierté d’un peuple blessé par l’histoire. Il devra maintenant nous faire connaître la suite.
Mais cette saga n’est pas terminée. Dans certains journaux anglophones, des chroniqueurs qui cultivent ouvertement une forme de racisme anti-québécois, qu’on me permette cette formule, nous accusent de suprémacisme ethni-que. Les juges se demandent ouvertement comment faire tomber la loi 21. Au Canada anglais, on mène une campagne de diffamation contre le Québec.
Fierté
Les Québécois redécouvrent une chose : il suffit que notre peuple s’affirme pour qu’il soit détesté. La haine anti-québécoise est vivace.
Tôt ou tard, il faut le savoir, le gouvernement Legault devra défendre la loi 21. Il devra le faire fermement, sans fausse modération. J’ai tendance à croire qu’il sera à la hauteur.
Cela confirmera que 2019 n’était pas qu’une bonne année dans notre vie politique, mais le début d’une renaissance nationale qui pourrait nous mener loin.