Le scénario paraissait invraisemblable la semaine dernière, mais il fallait quand même poser la question. Durant la séance d'information organisée à l'intention des médias par le ministère des Finances dans le cadre de la mise à jour économique et financière, la semaine dernière, La Presse a demandé aux hauts fonctionnaires si les projections de croissance de l'économie canadienne pour les cinq prochaines années, revues à la baisse depuis le dernier budget fédéral, tenaient compte de la possibilité d'une victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle du 8 novembre.
« Non », a laissé tomber un haut fonctionnaire, léger sourire en coin, comme si on avait jugé futile d'inclure un tel scénario étant donné la campagne erratique qu'avait menée le controversé magnat de l'immobilier au cours des dernières semaines.
Jusqu'au jour du vote, le très sérieux quotidien The New York Times évaluait à environ 85 % les chances d'Hillary Clinton de remporter la victoire mardi soir. Le chemin permettant à Donald Trump de devenir le 45e président de l'histoire des États-Unis était toujours possible, mais hautement improbable.
Donald Trump a fait mentir les sondages et les projections des grands médias aux États-Unis. Les électeurs américains ont fait leur choix.
Le gouvernement Trudeau devra maintenant s'adapter au style et aux politiques du nouveau locataire de la Maison-Blanche, qui entrera en fonctions le 20 janvier prochain.
Présents à la soirée électorale organisée par l'ambassadeur des États-Unis au Canada, Bruce Heyman, dans un hôtel du centre-ville d'Ottawa mardi soir, le ministre des Finances, Bill Morneau, et sa collègue à l'Environnement, Catherine McKenna, avaient du mal à cacher leur stupéfaction devant l'ampleur de la victoire de Donald Trump et ce que cela voulait dire pour le Canada. Alors qu'il planche sur son deuxième budget, prévu en février ou en mars, Bill Morneau pourrait être contraint de corriger à nouveau ses projections économiques si Donald Trump met à exécution ses menaces protectionnistes.
Des décisions à revoir?
Mme McKenna a été louangée pour le rôle qu'elle a joué à Paris dans les négociations qui ont mené à l'Accord sur les changements climatiques, qui vient à peine d'entrer en vigueur maintenant qu'un nombre suffisant de pays, dont le Canada et les États-Unis, l'ont ratifié. Mais cet accord international pourrait être rapidement saboté par Donald Trump. Il ne croit pas à la science des changements climatiques et il a promis de retirer les États-Unis de cet accord. Ce geste pourrait avoir un effet domino au Canada.
Certaines provinces s'opposent farouchement à la décision du gouvernement Trudeau d'imposer un prix national sur le carbone à partir de 2018. Leader de la fronde provinciale, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a déclaré hier que le gouvernement Trudeau doit arrimer son plan à celui de la nouvelle administration. « Cela n'a aucun sens de voir le gouvernement fédéral aller de l'avant avec une taxe nationale sur le carbone quand notre partenaire commercial le plus important, et notre plus grand concurrent pour les investissements et les emplois, rejette cette idée », a dit M. Wall hier.
Donald Trump veut aller plus loin. Dès son arrivée au pouvoir, il a promis de lever les restrictions à la production d'énergies fossiles et de rouvrir les mines de charbon. Il a aussi l'intention de relancer le projet d'oléoduc Keystone XL, proposé par la société canadienne TransCanada et rejeté par Barack Obama en février 2015. Officiellement, le gouvernement Trudeau appuie ce projet controversé, vivement dénoncé par les groupes environnementaux des deux côtés de la frontière.
« Les tendances protectionnistes nous inquiètent »
Autre source d'inquiétude pour le gouvernement Trudeau, Donald Trump a répété à plusieurs reprises son « intention de renégocier » le traité de libre-échange nord-américain. Il s'oppose aussi à la ratification du Partenariat transpacifique (TPP) par les États-Unis. Et la signature d'un nouvel accord sur le bois d'oeuvre entre Ottawa et Washington ne fait pas partie de ses priorités.
Devant le discours protectionniste du président désigné, les gens d'affaires ne cachent pas leur désarroi.
« Les tendances protectionnistes qui ont émergé au cours des derniers mois de campagne électorale nous inquiètent », a affirmé Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, qui a invité au passage M. Trudeau « à entreprendre le plus rapidement possible des discussions sur ce sujet avec son nouvel homologue américain ».
« Il est crucial que notre gouvernement réussisse à inscrire rapidement à l'ordre du jour des dossiers qui nous sont importants de sorte que la voix du Canada ne se perde pas dans ce bavardage mondial », a soutenu Perrin Beatty, président de la Chambre de commerce du Canada.
Dans les rangs libéraux, on soutient que le gouvernement Trudeau avait envisagé tous les scénarios - même celui d'une victoire de Donald Trump. Et c'est pour cette raison que le premier ministre s'était montré prudent au cours des dernières semaines, refusant net de commenter les déclarations du milliardaire new-yorkais ou de dénoncer ses promesses qui mettront à rude épreuve les relations canado-américaines.
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