En France, il ne se passe guère une journée sans qu'un membre du gouvernement ou le premier d'entre eux ne sombrent dans la surenchère sécuritaire. Après avoir annoncé que toute personne d'origine étrangère ayant assassiné un représentant des services de l'ordre serait déchue de sa nationalité, après avoir rasé près de 70 camps occupés par les Roms, ou «gens du voyage», après avoir menacé de représailles financières les maires ne respectant pas les obligations sécuritaires, voilà que l'on vient d'ordonner «l'expulsion», pour ne pas dire la déportation, de 700 Roms vers leurs pays d'origine, soit la Roumanie et la Bulgarie.
Cette énième mesure qui fait bondir même au sein de l'UMP, le parti de Nicolas Sarkozy, intervient quelques jours après que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU (CERD) eut épinglé la France. Dans un rapport préliminaire, le porte-parole du CERD soulignait avec justesse «qu'il y a une contradiction entre l'image exportée à l'étranger et la réalité sur le terrain. Il est temps que vous fassiez vivre les rêves d'égalité et de fraternité».
À peine l'avis d'expulsion divulgué, bien des tensions s'immisçaient dans les relations que la France entretient avec la Roumanie et la Bulgarie. D'autant plus que le secrétaire d'État aux Affaires étrangères est allé jusqu'à évoquer la mise au rencart, pendant un certain temps, de l'intégration de ces nations au sein de l'espace Schengen. Et dire que 20 % seulement des communes françaises, et non roumaines ou bulgares, observent les règles afférentes à l'usage par les Roms des aires de stationnement.
Cela rappelé, ce recours à la politique du muscle peine à cacher la ferme volonté de Sarkozy de séduire l'électorat du Front national (FN) en vue de la présidentielle de 2012. Paradoxe des paradoxes, les premiers sondages effectués permettent d'avancer que c'est peine perdue. Mais encore? En stigmatisant les uns, en prenant les autres pour des boucs émissaires, Sarkozy légitime l'idéologie du FN qui en tire, pour l'instant du moins, le profit suivant: une augmentation des intentions de vote, Marine Le Pen faisant moins peur que son père.
Ce recours peine à cacher également le désir du chef de l'État de gommer l'affaire Bettencourt-Woerth de la une des journaux. Depuis le début de son offensive contre ces autres qui ne sont pas comme nous, les suites de l'affaire passent trop inaperçues. Ainsi en est-il des fausses déclarations, autre découverte du journal en ligne Médiapart, du ministre Éric Woerth dans le cadre d'une demande de prêt bancaire pour financer sa campagne électorale. Bref, le sursaut tout en muscles de Sarkozy est aussi un paravent à l'histoire Bettencourt, la généreuse pourvoyeuse de fonds de l'UMP.
Le pire, et Sarkozy le sait fort bien, c'est que cette escalade contre les immigrants, les Roms et autres «déviants» est une contradiction de la trilogie républicaine — liberté, égalité, fraternité —, ainsi que de l'article 1 de la Constitution, qui «assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion». Point.
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