Michael Ignatieff est sans nul doute l'une des figures politiques les plus intéressantes de l'heure au Canada. Intellectuel de grande envergure, ce qui en soi ne garantit pas le succès en politique -- pensons à Stéphane Dion --, il a du charisme et des idées qui apparaissent nouvelles. Il projette l'image du renouveau, ce dont son parti a bien besoin. Si ce qu'il annonce se réalise, il pourrait marquer la rupture avec le Parti libéral des Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien, accomplissant ainsi le rêve de Paul Martin d'ouvrir une nouvelle ère politique.
La marche vers le pouvoir de Michael Ignatieff progresse. Il est chef de son parti depuis seulement trois mois, et les libéraux devancent maintenant les conservateurs de Stephen Harper tant en Ontario qu'au Québec. Pour autant, on ne sait trop ce que sont ses idées... si jamais il en a, disent ses adversaires.
Le renouveau chez Michael Ignatieff est de fait plus une question d'attitude que d'idées. Ainsi, il ne cesse de manifester son ouverture en tendant la main. Tantôt aux Canadiens de l'Ouest dont il prend le parti dans le débat sur l'exploitation des sables bitumineux décriée dans l'est du pays. Tantôt aux Québécois dont il faut, dit-il aux autres Canadiens, chercher à comprendre ce qu'ils sont. Il se dit prêt à travailler avec eux, «ne serait-ce que jusqu'au prochain épisode de rupture». Convenons que cela change de cette époque où le discours entendu dans les officines libérales à l'endroit des souverainistes était: écrasons-les!
Le nouveau chef libéral a la sagesse de prendre acte de l'existence d'un sentiment d'aliénation qui persiste à un degré élevé au Québec, en Alberta ou encore à Terre-Neuve. Avant d'accepter la branche d'olivier qu'il leur tend, les Albertains comme les Québécois voudront en savoir plus. Ils n'attendent pas qu'il leur promette des cadeaux, mais ils sont en droit de savoir tout au moins comment il fera son lit. Il serait temps qu'il délaisse, par exemple, le flou artistique qu'il entretient sur des sujets comme la création d'une commission nationale des valeurs mobilières à laquelle l'Assemblée nationale du Québec s'oppose unanimement.
Être le principal prétendant au poste de premier ministre impose certaines exigences, dont celle d'exprimer clairement ses idées. Celui qui sera éventuellement élu et qui une fois élu gouvernera est Michael Ignatieff. Pas ses conseillers stratégiques ou ses faiseurs d'image. Il est urgent qu'il abandonne des propos qui, pour être généreux, n'en sont pas moins creux et qu'il commence à parler vrai pour qu'on puisse le jauger et le juger. Cela est d'autant plus pressant qu'on dit qu'il pourrait vouloir faire tomber le gouvernement conservateur dès cet automne. Autrement, ce serait comme choisir un premier ministre à l'aveugle.
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