Depuis 50 ans, jamais le Canada n'aura perdu en une seule occasion autant de soldats que dimanche dernier. Six membres de la mission canadienne en Afghanistan ont été tués par une bombe placée par des taliban sur le passage de leur véhicule blindé. Pour trouver un bilan plus lourd, il faut remonter à mars 1953: 26 soldats canadiens avaient alors été tués au cours d'un affrontement avec l'armée chinoise en Corée.
À une autre époque, c'est par centaines et par milliers que se comptaient les pertes dans les conflits armés, comme nous le rappelaient lundi les cérémonies marquant le 90e anniversaire de Vimy. On peut se réjouir de voir que, depuis 2002, nous n'avons perdu que 51 soldats en Afghanistan. Mais à l'échelle des guerres technologiques et si on considère l'ampleur du contingent canadien, qui ne compte que 2500 hommes et femmes, c'est beaucoup.
Cet attentat contre un convoi militaire canadien nous rappelle que les progrès en Afghanistan sont plus qu'incertains. Le ministre canadien de la Défense, Gordon O'Connor, faisait état devant le Conseil des relations internationales de Montréal de succès tels que la construction de routes, d'hôpitaux et de lignes électriques, réussites que les observateurs sur le terrain n'arrivent pourtant pas à corroborer. Surtout, il y a la présence toujours active des taliban dont on sait qu'elle s'accentuera militairement avec la fin de l'hiver. La liste des morts et des blessés ne pourra que s'allonger. Malheureusement!
Le courage de ces soldats, à qui on demande de risquer leur vie au nom d'un idéal de liberté et d'égalité pour le peuple afghan, est d'autant plus grand que leurs efforts risquent d'être vains. L'Afghanistan est un territoire impossible à maîtriser pour tout envahisseur, comme les Soviétiques l'ont appris. À l'exception de la région qui entoure Kaboul, le gouvernement afghan d'Hamid Karzaï ne contrôle pas le pays. Les forces de l'OTAN, dont le Canada est le principal pourvoyeur après les États-Unis, sont constamment harcelées par les taliban qui utilisent des bases arrière situées dans le Pakistan du bienveillant général Musharraf.
Pour pouvoir contrôler le pays, l'OTAN aurait besoin d'effectifs plus nombreux, comme le Canada l'a demandé. Pris dans le bourbier irakien, les États-Unis ne peuvent contribuer plus que les 15 000 hommes déjà stationnés dans le sud de l'Afghanistan. Quant aux autres pays de l'OTAN, ils ne veulent pas faire plus. Ceux qui y ont des troupes imposent même des restrictions à leurs interventions sur la ligne de front.
Dans ces circonstances, le gouvernement Harper est pris au piège de l'enlisement. Pour assurer la sécurité des troupes canadiennes, il lui faudra envoyer plus de matériel, ce qu'il a commencé à faire, et plus de soldats, ce qui est inévitable à moyen terme. Pire, il faudra rester longtemps comme le ministre de la Défense le laisse volontiers entrevoir. Une bien drôle de façon de convaincre les alliés européens de faire leur part! Pourquoi se sacrifieraient-ils sachant que ces «braves» Canadiens sont prêts à poursuivre une guerre qui, comme bien d'autres, risque de finir autour d'une table de négociation? Comme s'était finie la guerre de Corée où le Canada s'était aussi porté volontaire.
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