Le 14 octobre 2021, lors d’une réunion du comité monétaire et financier du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde déclarait ceci : « Nous continuons de considérer cette poussée comme étant largement provoquée par des facteurs temporaires. L’impact de ces facteurs sur les taux annuels d’évolution des prix devrait s’atténuer dans le courant de l’an prochain, modérant ainsi l’inflation annuelle. »1
Citons en outre ce papier du 20 mars 2022 de Manon Malhère du Figaro : « Alors que certains redoutent un retour massif et durable de l’inflation, le ministre de l’Économie parle, lui, d’un phénomène temporaire. “Je ne crois pas à un choc inflationniste de plusieurs années dans l’Union européenne”, a indiqué Bruno Le Maire, sur le plateau du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, dimanche »2 16 octobre 2022.
Or ces prédictions d’une inflation provisoire se sont avérées inexactes. Elle se poursuit, elle s’accélère même.
« La grande distribution parle déjà d’un mois de “mars rouge”. […] [L]a hausse des prix à la consommation […] pourrait s’accélérer à compter du 1er mars. Des négociations annuelles menées en ce moment entre les industriels et la grande distribution, qui s’achèvent le 28 février, vont déterminer de futures hausses à prévoir pour les Français pouvant aller jusqu’à 40 % sur de nombreux articles. » Voici ce qu’on pouvait lire dans un article du Point du 11 février 2023. Comme on peut le constater, le phénomène actuel d’inflation n’est en aucun cas provisoire. Et ce n’est ni la reprise post-Covid ni la guerre en Ukraine qui en sont les causes principales, mais la politique monétaire de la Banque centrale européenne (B.C.E.), qui depuis des années mène une politique de planche à billets qu’elle nomme quantitative easing, soit en français « assouplissement quantitatif ».
Cela a eu pour conséquence l’irruption d’une situation aberrante : les taux d’intérêt négatifs, laquelle situation a cessé avec l’apparition d’une inflation galopante, à partir de 2021, qui a obligé Christine Lagarde d’augmenter de façon importante les taux d’intérêt directeurs, ce qui par ailleurs freine la croissance économique, qui est par voie de conséquence complètement atone dans la zone euro aujourd’hui.
La réalité des taux d’intérêt négatifs est le signe majeur qui annonce la fin à venir du capitalisme. L’abolition de l’usure est la mesure prioritaire à prendre pour remédier aux problèmes économiques actuels. Et cela reviendrait à mettre un terme au système capitaliste.
Le principe du prêt à intérêt, ou usure, Aristote le dénonçait déjà dans le livre I des Politiques. Thomas d’Aquin développa cette condamnation dans sa Somme théologique :
« Recevoir un intérêt ou une usure pour de l’argent prêté est une chose injuste de soi, car en faisant cela on vend une chose qui n’existe même pas ; d’où résulte évidemment cette sorte d’inégalité qui est opposée à la justice. Pour rendre cette proposition évidente, remarquons d’abord qu’il est des choses dont l’usage entraîne leur destruction ; ainsi le vin que nous buvons, le blé que nous mangeons se consomment ou se détruisent par l’usage. Pour de telles choses on ne doit pas séparer l’usage de la chose elle-même ; du moment où la chose est cédée, on en cède aussi l’usage. (...) Il est des choses, au contraire, qui ne sont pas du tout destinées à être consumées ou détruites par l’usage ; l’usage d’une maison consiste à l’habiter et non à la détruire. Pour ces sortes de choses on peut traiter séparément de l’usage et de la chose elle-même ; ainsi l’on peut vendre une maison en s’en réservant l’usage pour quelque temps, et, réciproquement, céder l’usage d’une maison, en s’en réservant la propriété. Voilà pourquoi on est en droit de faire payer l’usage d’une maison et de demander en outre qu’elle soit convenablement entretenue, comme cela se pratique dans les baux et les locations. Mais la monnaie a été principalement inventée (...) pour faciliter les échanges. D’où il suit que l’usage propre et principal de l’argent monnayé consiste en ce qu’il soit dépensé et consumé en servant aux commutations ordinaires. Il est donc illicite en soi de retirer un intérêt pour l’usage de l’argent prêté, ce en quoi consiste l’usure proprement dite. Et de même qu’on est tenu de restituer toute autre chose injustement acquise, de même on est tenu de restituer l’argent qui est le fruit de l’usure. »
S’il ne voyait pas dans l’usure, longtemps interdite sous la pression de l’Église, la cause première de la misère des peuples modernes, Karl Marx analysa en détail ce système nouveau, qui se développa au XVIIIe siècle, et qu’il appelait système du Crédit, insistant sur les emprunts d’État :
« Le système du crédit public, c’est-à-dire des dettes publiques, dont Venise et Gênes avaient, au moyen âge, posé les premiers jalons, envahit l’Europe définitivement pendant l’époque manufacturière. Le régime colonial, avec son commerce maritime et ses guerres commerciales, lui servant de serre chaude, il s’installa d’abord en Hollande. La dette publique, en d’autres termes l’aliénation de l’État, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l’ère capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique3. Il n’y a donc pas à s’étonner de la doctrine moderne que plus un peuple s’endette, plus il s’enrichit. Le crédit public, voilà le credo du capital. Aussi le manque de foi en la dette publique vient-il, dès l’incubation de celle-ci, prendre la place du péché contre le Saint-Esprit, jadis le seul impardonnables4.
La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive. Par un coup de baguette, elle doue l’argent improductif de la vertu reproductive et le convertit ainsi en capital, sans qu’il ait pour cela à subir les risques, les troubles inséparables de son emploi industriel et même de l’usure privée. Les créditeurs publics, à vrai dire, ne donnent rien, car leur principal, métamorphosé en effets publics d’un transfert facile, continue à fonctionner entre leurs mains comme autant de numéraire. Mais, à part la classe de rentiers oisifs ainsi créée, à part la fortune improvisée des financiers intermédiaires entre le gouvernement et la nation - de même que celle des traitants, marchands, manufacturiers particuliers, auxquels une bonne partie de tout emprunt rend le service d’un capital tombé du ciel - la dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l’agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne.
Dès leur naissance les grandes banques, affublées de titres nationaux, n’étaient que des associations de spéculateurs privés s’établissant à côté des gouvernements et, grâce aux privilèges qu’ils en obtenaient, à même de leur prêter l’argent du public. Aussi l’accumulation de la dette publique n’a-t-elle pas de gradimètre plus infaillible que la hausse successive des actions de ces banques, dont le développement intégral date de la fondation de la Banque d’Angleterre, en 1694. Celle-ci commença par prêter tout son capital argent au gouvernement à un intérêt de 8 %, en même temps elle était autorisée par le Parlement à battre monnaie du même capital en le prêtant de nouveau au public sous forme de billets qu’on lui permit de jeter en circulation, en escomptant avec eux des billets d’échange, en les avançant sur des marchandises et en les employant à l’achat de métaux précieux. Bientôt après, cette monnaie de crédit de sa propre fabrique devint l’argent avec lequel la Banque d’Angleterre effectua ses prêts à l’État et paya pour lui les intérêts de la dette publique. Elle donnait d’une main, non seulement pour recevoir davantage, mais, tout en recevant, elle restait créancière de la nation à perpétuité, jusqu’à concurrence du dernier liard donné. Peu à peu elle devint nécessairement le réceptacle des trésors métalliques du pays et le grand centre autour duquel gravita dès lors le crédit commercial. Dans le même temps qu’on cessait en Angleterre de brûler les sorcières, on commença à y pendre les falsificateurs de billets de banque.
Il faut avoir parcouru les écrits de ce temps-là, ceux de Bolingbroke, par exemple, pour comprendre tout l’effet que produisit sur les contemporains l’apparition soudaine de cette engeance de bancocrates, financiers, rentiers, courtiers, agents de change, brasseurs d’affaires et loups-cerviers5.
Avec les dettes publiques naquit un système de crédit international qui cache souvent une des sources de l’accumulation primitive chez tel ou tel peuple. C’est ainsi, par exemple, que les rapines et les violences vénitiennes forment une des bases de la richesse en capital de la Hollande, à qui Venise en décadence prêtait des sommes considérables. À son tour, la Hollande, déchue vers la fin du XVIIe siècle de sa suprématie industrielle et commerciale, se vit contrainte à faire valoir des capitaux énormes en les prêtant à l’étranger et, de 1701 à 1776, spécialement à l’Angleterre, sa rivale victorieuse. Et il en est de même à présent de l’Angleterre et des États-Unis. Maint capital qui fait aujourd’hui son apparition aux États-Unis sans extrait de naissance n’est que du sang d’enfants de fabrique capitalisé hier en Angleterre.
Comme la dette publique est assise sur le revenu public, qui en doit payer les redevances annuelles, le système moderne des impôts était le corollaire obligé des emprunts nationaux. Les emprunts, qui mettent les gouvernements à même de faire face aux dépenses extraordinaires sans que les contribuables s’en ressentent sur-le-champ, entraînent à leur suite un surcroît d’impôts; de l’autre côté, la surcharge d’impôts causée par l’accumulation des dettes successivement contractées contraint les gouvernements, en cas de nouvelles dépenses extraordinaires, d’avoir recours à de nouveaux emprunts. La fiscalité moderne, dont les impôts sur les objets de première nécessité et, partant, l’enchérissement, de ceux-ci, formaient de prime abord le pivot, renferme donc en soi un germe de progression automatique. La surcharge des taxes n’en est pas un incident, mais le principe. Aussi en Hollande, où ce système a été d’abord inauguré, le grand patriote de Witt l’a-t-il exalté dans ses Maximes comme le plus propre à rendre le salarié soumis, frugal, industrieux, et... exténué de travail. Mais l’influence délétère qu’il exerce sur la situation de la classe ouvrière doit moins nous occuper ici que l’expropriation forcée qu’il implique du paysan, de l’artisan, et des autres éléments de la petite classe moyenne. Là-dessus, il n’y a pas deux opinions, même parmi les économistes bourgeois. Et son action expropriatrice est encore renforcée par le système protectionniste, qui constitue une de ses parties intégrantes.
La grande part qui revient à la dette publique et au système de fiscalité correspondant, dans la capitalisation de la richesse et l’expropriation des masses, a induit une foule d’écrivains, tels que William Cobbett, Doubleday et autres, à y chercher à tort la cause première de la misère des peuples modernes. »6
L’on doit la phrase suivante à Napoléon Ier : « Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. »
L’empereur des Français ne combattit pas l’usure, en témoigne l’article 1902 du code civil qui ne prohibe pas l’application d’un taux d’intérêt à un prêt, exigeant seulement qu’il soit remboursé en qualité et quantité, mais il fut combattu avec un acharnement sans faille par les champions de l’usure, les maîtres de la Banque, la City, célèbre quartier d’affaires de l’Angleterre.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la City de Londres est devenue la première place financière mondiale, prenant la place d’Amsterdam. Elle a pu atteindre ce rang grâce à la puissante flotte anglaise. Oliver Cromwell posa un ultimatum au reste de la planète, visant en premier les Provinces-Unies, le Portugal, l’Espagne et secondairement la France : désormais son pays exercerait une hégémonie sans partage sur les océans et les mers.
Le 9 octobre 1651 fut voté l’Acte de Navigation, « qui, en réservant aux compagnies anglaises le trafic maritime avec les colonies, constituait une déclaration de guerre économique aux Provinces-Unies. Les négociants juifs d’Amsterdam, qui se livraient à un commerce considérable avec la Jamaïque et les Barbades, se voyaient par la-même puissamment incités à transférer à Londres leurs établissements et à contribuer ainsi, dans le sens des ambitions de Cromwell, à l’expansion de la Grande-Bretagne. Cela impliquait, cependant, l’adoption par Whitehall de mesures officielles en vue d’autoriser les juifs à résider sur le sol anglais : leur réadmission devenait hautement souhaitable pour des raisons d’intérêt national. Le Protecteur, esprit pragmatique, usa donc de toute son influence auprès du parlement et du Conseil d’État pour la promouvoir »7.
Lionel Ifrah poursuit son explication : « en s’arrogeant l’exclusivité du trafic maritime à destination des colonies du Nouveau Monde, Cromwell estimait qu’il en résulterait, entre autres, un mouvement d’appel des négociants juifs hollandais vers la Cité de Londres. […] [L]e Protecteur s’employa à les encourager à revenir, discrètement au début […].
Cette politique s’avéra payante : de source officielle, on estime à un million et demi de livres sterling le montant des sommes en espèces apportées par les premiers juifs venus s’établir à Londres, et leur chiffre d’affaires au douzième du volume total du commerce britannique. »8
Lucien Wolf, dans un essai intitulé Menasseh ben Israel’s Mission to Oliver Cromwell publié en 1901, soutient que Cromwell « ne pouvait que rechercher les juifs comme instruments précieux de sa politique coloniale et commerciale. Ils dominaient les échanges avec l’Espagne et le Portugal ; la majeure partie du commerce avec le Levant était entre leurs mains ; ils avaient participé à la fondation de la Banque de Hambourg et ils avaient des intérêts substantiels dans les Compagnies des Indes Orientales et Occidentales. Ils avaient également la haute main sur l’importation des lingots d’or et leur poids était considérable dans les transports maritimes. »9
Mais, note Ifrah, Cromwell avait à « vaincre l’hostilité prévisible de la Cité à un tel projet. »10 Hostilité que l’on retrouve sous la plume de James Howell, un écrivain important, qui, dans une lettre destinée à son ami Lewis d’Amsterdam, écrivait : « En ce qui concerne le judaïsme, il dégage une odeur aussi nauséabonde dans certains coins de notre ville que chez vous. »11
« À Londres même, en ce milieu du dix-septième siècle, résidait une colonie, petite mais fort active, de marchands espagnols et portugais, néo-chrétiens pour la plupart, qui se déclaraient catholiques et assistaient régulièrement à la messe dans la chapelle de l’ambassadeur de France ou de Savoie. Son zèle ostentatoire était cependant insuffisant pour faire illusion […]. Un petit groupe marrane s’était à vrai dire peu à peu constitué dans la capitale anglaise et avait vu ses rangs grossir en 1632 lorsque la communauté crypto-juive de Rouen fut décelé et dispersée. »12
Ces quelques marranes étaient les seuls juifs vivant en Angleterre, clandestinement donc, depuis l’expulsion de l’île en 1290. Leur représentant le plus illustre s’appelait Antonio Fernandez Carjaval, « qui devint bientôt l’un des grands noms de la Cité : à la tête de sa propre flotte de navires qui transportaient toutes sortes de marchandises, y compris de la poudre, des munitions et des lingots d’or, et sillonnaient mers et océans jusqu’au Levant et aux Antilles, et il se livra à un commerce international intensif. »13
Il rendit de fiers services à l’Angleterre en contrecarrant un plan d’invasion conjointement préparé par le Portugal et l’Espagne : il transmit des informations sensibles fournies par l’un de ses agents basé à Anvers.
Ainsi une nouvelle élite économique venait s’adjoindre aux marchands anglais, que le représentant de la communauté juive d’Amsterdam, Menasseh ben Israë, qui joua un rôle crucial dans la réadmission des juifs outre-Manche, qualifiait de « marchands les plus nobles et les plus estimés du monde entier »14.
Voici comment naquit la thalassocratie anglaise, qui encore aujourd’hui régit le monde, à l’aide de son excroissance américaine. À partir de ce moment-là la puissance de la City ne cessa de croître ; alors qu’elle comptait soixante-treize banques privées en 1807, dès lors les années 1820 leur nombre dépassa la centaine.
« Bien qu’elles fussent toutes des partnerships, pour la plupart familiales, elles étaient souvent anciennes, riches, solides et jouissant d’un grand prestige. Un nombre non négligeable d’entre ces banquiers étaient d’origine étrangère, et à la fin des guerres contre Napoléon, Nathan Rothschild s’était poussé au premier rang »15, explique François Grouzet dans son essai L’économie de la Grande-Bretagne victorienne.
Alors que la figure de Jésus-Christ surplomba tout le Moyen Âge, ce fut avec l’avènement de la modernité au tour d’une autre figure juive de prendre l’ascendant sur l’Europe, et par là sur le monde : la dynastie Rothschild. « L’argent est le Dieu de notre époque et Rothschild est son prophète », selon la fameuse sentence du poète Heinrich Heine singeant la profession de foi islamique (chahâda).
Heinrich Heine ainsi que, dans une certaine mesure, Karl Marx se sont fait les héritiers de la Parole des Prophètes.
D’une certaine manière Karl Marx a réactualisé ces paroles du Lévitique qui rejettent l’avarice et l’oppression économique d’autrui. « Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. Tu ne cueilleras pas non plus les grappes restées dans ta vigne, et tu ne ramasseras pas les grains qui en seront tombés. Tu abandonneras cela au pauvre et à l'étranger », est-il écrit au chapitre XIX, versets 9 et 10. En outre, au début du verset 13 on trouve cette injonction : « Tu n’exploiteras pas ton prochain ».
Dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Karl Marx interprète ainsi la révolution cromwellienne de 1642 : « Cromwell et le peuple anglais avaient emprunté à l’Ancien Testament le langage, les passions et les illusions nécessaires à leur révolution bourgeoise. Lorsque le véritable but fut atteint, c’est-à-dire lorsque fut réalisée la transformation bourgeoise de la société anglaise, Locke évinça Habacuc. »
Ce prophète dénonça l’enrichissement à outrance, le surendettement et l’escroquerie : « On dira : malheur à celui qui accumule ce qui n’est pas à lui ! Jusques à quand ?… Malheur à celui qui augmente le fardeau de ses dettes ! Tes créanciers ne se lèveront-ils pas soudain ? Parce que tu as pillé beaucoup de nations, tout le reste des peuples te pillera […]. Malheur à celui qui amasse pour sa maison des gains malhonnêtes, afin de placer son nid dans un lieu élevé, pour se garantir de la main du malheur ! » (ch. II : v. 6-9)
De surcroît, le livre d’Ézéchiel professe le mépris pour le lucre : « Leur argent et leur or seront incapables de les délivrer, le jour de la fureur de l’Éternel » (VII : 19) Et en faisant l’apologie de l’homme juste, qui « ne prête pas à intérêt » (XVIII : 8), le prophète venait défaire cette prescription du Deutéronome permettant d’« exiger un intérêt de l’étranger » (XXIII : 20), œuvre de déformation de la parole de l’Éternel sur lesquels les protestants s’appuyèrent pour rendre à nouveau l’usage du prêt à intérêt – ou usure – licite en Europe.
L’usure porte en elle la guerre comme la nuée porte l’orage, pour paraphraser une formule de Jean Jaurès prononcée le 25 juillet 1914, soit peu avant le début de la Grande Guerre et donc son propre assassinat,.
Kant, dans Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, souligna que la normalisation du prêt à intérêt était une nouveauté de son temps16. Ce qu’il dénonça dans un autre texte, Vers la paix perpétuelle, où il défend que le « système de crédit consistant à accroître indéfiniment les dettes […] confère à l’argent une puissance dangereuse, c’est, en effet, un trésor tout prêt pour la guerre. […] Cette facilité à faire la guerre, jointe au penchant qui y pousse les souverains et qui semble inhérent à la nature humaine, est donc un grand obstacle à la paix perpétuelle »17.
Si la Première Guerre mondiale put durer si longtemps, c’est à cause de ce système moderne du Crédit, où la dette publique joue un rôle considérable.
Elle a servi à écraser le prolétariat et la paysannerie, alors que le « Grand Capital » craignait l’imminence du crise économique globale. C’est la thèse de lʼhistorien américain dʼorigine luxembourgeoise Arno Mayer, développée dans son ouvrage Political origins of the New Diplomacy, publié en 1959.
Dans la France de l’avant-guerre, sur fond de conflits sociaux très durs, comme la journée du 1er mai 1906, le Pouvoir, avec à sa tête Georges Clemenceau, est forcé de diffuser une « théorie du complot : le gouvernement posséderait les preuves d’une entente entre les syndicats et divers agents réactionnaires. »18 Puis surviennent les révoltes des paysans de 1907 et de 1911, et apparaît une structure très embryonnaire potentiellement dangereuse pour le système en place : le Cercle Proudhon, où discutent syndicalistes-révolutionnaires adeptes de Georges Sorel et partisans du néo-royalisme nationaliste de Charles Maurras. La Première Guerre mondiale tua ce mouvement dans l’œuf.
L’histoire nous enseigne que l’inflation amène nécessairement à la guerre. D’abord le pouvoir, confronté à des difficultés économiques, tombe dans cette solution de facilité qu’est la planche à billets. Mais vite cette voie, qui est « la facilité, l’illusion, le péril ajourné, la difficulté remise au lendemain »19, comme l’écrit Pierre Gaxotte dans La Révolution française, produit ses effets négatifs.
Les prix s’envolent, ce qui sème la misère par la cherté des prix, et la ruine des entreprises par la raréfaction des achats. En ce moment deux secteurs sont particulièrement touchés : les boulangeries et le commerce de textile, avec notamment les faillites de Burton, Go Sport et San Marino, après celle de Camaïeu.
Cela provoque la colère de la population, le déclenchement de mouvements sociaux ou des désordres plus graves tels qu’un phénomène de violence généralisée. La situation dans le pays devient alors ingérable. Les gouvernements n’ont plus qu’une seule porte de sortie : la guerre.
C’est exactement ce qui se passa lors de la Révolution française, après le lancement des assignats en tant que monnaie-papier, qui visait à pallier la ruine totale de l’État.
« Mais, décrit Pierre Gaxotte dans le même ouvrage, si les acteurs sont mauvais, la pièce est tragique. La première ivresse passée, l’inflation a commencé ses ravages. La vie est difficile ; les denrées sont rares et chères ; les troubles chassent la clientèle ; le commerce languit. Si les récoltes de 1789 et 1790 ont été bonnes, celles de 1791 est mauvaise. De Saint-Domingue en feu, les produits coloniaux n’arrivent plus. Le sucre manque »20.
La France des assignats se trouva rapidement en situation de chaos généralisé : « Dès l’automne, on signale à nouveau un peu partout des épiceries assiégées, des convois attaqués, des marchés mis à sac. En février 1792, au dire du ministre de l’Intérieur, il ne se passe pas de jour qui n’apporte la nouvelle de quelque insurrection alarmante. Perquisitions armées dans les fermes, taxations arbitraires des blés, violations de domiciles, arrêt des transports, pillages des moulins et des greniers, d’un bout à l’autre du royaume, c’est une seconde épidémie de violences », après celle de 1789.
Et notre département ne fut pas à l’abri de ces graves tumultes, bien au contraire : « Dans les Bouches-du-Rhône, le mépris des lois est arrivé au dernier degré. La guerre civile sévit en permanence. De véritables expéditions villes contre villes, communes contre communes, s’y organisent chaque semaine. La garde nationale de Marseille se fait une fructueuse spécialité de ces razzias qui l’amènent successivement à Aubagne, à Auriol, à Eyguière, à Apt, à Arles surtout […]. Manosque et Digne sont visitées à leur tour. »21
Face à cet état chaotique dont la France est en proie, l’idée de réagir par la guerre ne manque pas de sourdre parmi la classe politique. C’est l’homme-lige du banquier Étienne Clavière, Jacques Pierre Brissot, appartenant au camp des Girondins devint « dans les clubs, dans la presse et à l’Assemblée, le prédicateur obstiné de la guerre qui vient. »22
Les Jacobins aussi se muent en partisans de la guerre. Dans une adresse ils la parent de toutes les vertus économiques : « Bientôt la confiance renaît dans l’empire, le crédit se rétablit, le change reprend son équilibre, nos assignats inondent l’Europe et intéressent ainsi nos voisins au succès de la Révolution. »23
Conséquence de quoi le 20 avril 1792, pressé de toutes parts, Louis XVI, à l’Assemblée, propose de déclarer la guerre à Léopold II, empereur du Saint-Empire romain, roi de Hongrie et de Bohême. La France propose à Victor-Amédée III, roi du Piémont-Sardaigne, de s’unir face à l’Autriche et lui promet le Milanais, contre la Savoie. Mais il préfère rejoindre une coalition formée par le roi de Naples et le grand-duc de Toscane, ce qui a pour effet la conquête de Nice et de la Savoie par la France.
Dans un décret du 19 novembre 1792, la Convention lance un appel à la « fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté », ce qui consiste concrètement à chercher à annexer le Rhin, les Pyrénées et les Alpes.
En mars 1796 le général Bonaparte est nommé commandant de l’armée d’Italie. Et vite il devient le maître de la partie nord et centrale de la péninsule italienne. C’est en tant que « véritable pro-consul, dégagé de la surveillance des commissaires aux armées, qu’il a mené les négociations avec les vaincus. »24
L’analyse que fait Pierre Milza des débuts de l’ascension fulgurante de Napoléon Bonaparte souligne que le motif de la campagne d’Italie était financier : « À chacune de ces violations de leur autorité, les Directeurs ont fermé les yeux, peu désireux de voir cesser les envois massifs d’argent et d’œuvres d’art que le général victorieux tirait du pillage systématique des richesses de la Péninsule. »25
Les premières lignes du roman La chartreuse de Parme de Stendhal atteste aussi que ce que le pouvoir était venu chercher, à travers ces guerres, n’était pas autre chose qu’un règlement de ses déboires économiques, ainsi que des vols et crimes qu’ils ne manquaient pas de causer :
« Le 15 mai 1796 le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi et d’apprendre au monde qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur.
Les miracles de hardiesse et de génie dont l’Italie fut témoin en quelques mois réveillèrent un peuple endormi ; huit jours encore avant l’arrivée des Français, les Milanais ne voyaient en eux qu’un ramassis de brigands, habitués à fuir toujours devant les troupes de Sa Majesté Impériale et Royale : c’était du moins ce que leur répétait trois fois la semaine un petit journal grand comme la main, imprimé sur papier sale. […]
Un peuple tout entier s’aperçut, le 15 mai 1796, que tout ce qu’il avait respecté jusque-là était souverainement ridicule et quelquefois odieux. Le départ du dernier régiment de l’Autriche marqua la chute des idées anciennes : exposer sa vie devint à la mode. […]
En 1796, l’armée milanaise se composait de vingt-quatre faquins habillés de rouge, lesquels gardaient la ville de concert avec quatre magnifiques régiments hongrois. […]
Le bon peuple de Milan était encore soumis à certaines petites entraves monarchiques qui ne laissaient pas que d’être vexatoires. Par exemple, l’archiduc, qui résidait à Milan et gouvernait au nom de l’empereur, son cousin, avait eu l’idée lucrative de faire le commerce des blés. En conséquence, défense aux paysans de vendre leurs grains jusqu’à ce que Son Altesse eût rempli ses magasins.
En mai 1796, trois jours après l’entrée des Français, un jeune peintre en miniature, un peu fou, nommé Gros, célèbre depuis, et qui était venu avec l’armée, entendant raconter au grand café des Servi (à la mode alors) les exploits de l’archiduc, qui de plus était énorme, prit la liste des glaces imprimée en placard sur une feuille de vilain papier jaune. Sur le revers de la feuille il dessina le gros archiduc ; un soldat français lui donnait un coup de baïonnette dans le ventre, et, au lieu de sang, il en sortait une quantité de blé incroyable. La chose nommée plaisanterie ou caricature n’était pas connue en ce pays de despotisme cauteleux. Le dessin laissé par Gros sur la table du café des Servi parut un miracle descendu du ciel ; il fut gravé dans la nuit, et le lendemain on en vendit vingt mille exemplaires.
Le même jour, on affichait l’avis d’une contribution de guerre de six millions, frappée pour les besoins de l’armée française, laquelle, venant de gagner six batailles et de conquérir vingt provinces, manquait seulement de souliers, de pantalons, d’habits et de chapeaux.
La masse de bonheur et de plaisir qui fit irruption en Lombardie avec ces Français si pauvres fut telle que les prêtres seuls et quelques nobles s’aperçurent de la lourdeur de cette contribution de six millions, qui, bientôt, fut suivie de beaucoup d’autres. Ces soldats français riaient et chantaient toute la journée ; ils avaient moins de vingt-cinq ans, et leur général en chef, qui en avait vingt-sept, passait pour l’homme le plus âgé de son armée. »26 Ce jeune homme, vous l’aurez compris, c’est Napoléon Bonaparte, l’instrument des contrecoups funestes de la politique économique des révolutionnaires : l’inflation par les assignats.
À cet égard, étonnamment, Jean Jaurès, connu pour son pacifisme, fit l’apologie des guerres révolutionnaires qui en définitive permirent au jeune Bonaparte de conquérir le pouvoir pour devenir ensuite Napoléon Ier :
« La guerre agrandissait le théâtre de l’action, de la liberté, et de la gloire. Elle obligeait les traîtres à se découvrir et les intrigues obscures étaient abolies comme une fourmilière noyée par l’ouragan. La guerre permettait aux partis du mouvement d’entraîner les modérés, de les violenter au besoin, car leur tiédeur pour la Révolution serait dénoncée, comme une trahison envers la patrie elle-même. La guerre enfin, par l’émotion de l’inconnu et du danger, par la surexcitation de la fierté nationale, raviverait l’énergie du peuple. Il n’était plus possible de le conduire directement par les seules voies de la politique intérieure à l’assaut du pouvoir royal. »27
Ces lignes révèlent la grande naïveté dont faisait preuve Jaurès dans sa manière d’interpréter la Révolution de 1789. Son idéalisme patent étant la marque d’une compromission vis-à-vis du système libéral-démocratique, cadre institutionnel du capitalisme. Il fut l’homme du ralliement du mouvement ouvrier à ce système, lequel s’enorgueillit d’avoir inventé le meilleur des modèles politiques, appelé état de droit et se voulant protecteur des libertés publiques. Or il ne peut survivre qu’en annulant les règles qu’il édicte, qu’en instituant un état d’exception.
L’ordre public est effectivement plus aisé à maintenir dans le cadre d’un régime d’exception, sauf que cela implique de prendre des mesures jugées inacceptables en temps normal. Brissot avait bien conscience de cela : « Vous pouvez prendre en état de guerre des mesures que l’état de paix pourrait faire trouver trop sévères… »28, a-t-il affirmé, rapporte Gaxotte.
Et ce tant en matière économique qu’en ce qui concerne les libertés publiques. Par exemple, la convertibilité de la Livre Sterling en or, assurant sa valeur financière, put être suspendue de 1797 à 1821 pour cause de guerres napoléoniennes sans créer trop de remous en Angleterre. On notera qu’il fallut attendre plus de six années après Waterloo pour que soit décidé son rétablissement effectif.
Et au sujet des libertés publiques, pendant la Première Guerre mondiale, bien que Charles Maurras fût un ardent défenseur de la censure et peu soupçonnable de sympathies pro-allemandes, il vit pourtant des parties de son livre L’étang de Berre, paru en 1915, être caviardées.
L’inflation galopante actuelle, conséquence des carences intrinsèques du système du Crédit – ou capitalisme – explique en grande partie le soutien sans limites des pays de l’OTAN en faveur de l’Ukraine. En dépit de leurs graves difficultés financières, ils parviennent néanmoins à débloquer des fortunes colossales pour aider le régime de Volodymyr Zelensky, en plus de lui fournir des armes de plus en plus lourdes et sophistiquées. Ils font fait pression sur lui pour que la guerre continue, empêchant un cessez-le-feu et des pourparlers de paix entre l’Ukraine et la Russie.
Ce conflit est pour eux une occasion en or permettant d’éteindre toute contestation interne, en braquant les projecteurs médiatiques sur le conflit. On se rappelle qu’il y a eu le mouvement des Gilets jaunes. Aujourd’hui c’est au Royaume-Uni que les tensions sont les plus vives. Et justement, selon un article de la BBC du 22 septembre 2022, Boris Johnson s’est opposé à ce qu’un accord de paix soit passé entre la Russie et l’Ukraine. Le Premier ministre britannique a déclaré à la chambre des Communes qu’il ne faut pas faire confiance à une offre de paix faite par la Russie. Car, a-t-il argué, la position de Vladimir Poutine est plus faible chaque semaine et que le Royaume-Uni doit rester dans la course face à l’« expansionnisme » russe.
Quant à la France, le projet de réforme des retraites joue le rôle de muleta du toréador pour masquer des problèmes économiques bien plus graves : dette publique abyssale, et surtout la crise énergétique, face la plus visible de l’inflation galopante que nous subissons. Cette fois la C.G.T. est plus raisonnable que le gouvernement.
Quand, le 11 février 2023, à Marseille, des manifestants de la C.G.T. Ports et Docks ont pendu à leur camion une poupée à l’effigie d’Élisabeth Borne, amenant le secrétaire général de Renaissance Stéphane Séjourné à condamner sur Twitter cette « mise en scène abjecte », ils n’ont fait que répondre à la violence réelle de la politique économique actuelle à une violence symbolique, ce qui est beaucoup moins grave.
Pendaison qui n’est pas sans rappeler celle de Marianne par le cégétiste Émile Janvion le 3 août 1908. Rappelons ce que Charles Maurras écrivit dans L’Action française du lendemain : « La pendaison de Marianne devant la Bourse du travail est l’acte le plus significatif de notre histoire depuis le 14 juillet 1789 » ; l’événement est à mettre en perspective avec ce qu’il soutint dans L’Action française du 15 novembre 1900 : « un socialisme, libéré de l’élément démocratique et cosmopolite, peut aller au nationalisme comme un gant bien fait à une belle main. »
NOTES
1https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/lagarde-bce-juge-toujours-la-poussee-inflationniste-largement-temporaire-1811319
3William Cobbett remarque qu'en Angleterre toutes les choses publiques s'appellent royales, mais que par compensa-tion, il y a la dette nationale.
4Quand, au moment le plus critique de la deuxième guerre de la Fronde, Bussy-Rabutin fait demander, pour pouvoir lever un régiment, des assignations sur « les tailles du Nivernois encore dues » et « sur le sel », Mazarin répond : « Plût à Dieu que cela se pût, mais tout cela est destiné pour les rentes sur l'Hôtel de Ville de Paris, et il serait d'étrange conséquence de faire des levées de ces deniers-là; qu'il ne fallait point irriter les rentiers ni contre lui ni contre vous. » (Mémoires du comte de Bussy-Rabutin, Amsterdam, 1751, t. I, p. 165.)
5« Si les Tartares inondaient aujourd'hui l'Europe, il faudrait bien des affaires pour leur faire entendre ce que c'est qu'un financier parmi nous. » (Montesquieu, Esprit des lois, t. IV, p. 33, éd. Londres, 1769.)
6Le Capital, Livre I, Le développement de la production capitaliste, VIIIe section : L'accumulation primitive, Chapitre XXXI : Genèse du capitaliste industriel.
16« Finalement, la guerre devient même peu à peu non seulement si technique son issue si incertaine pour les deux camps, mais aussi devient une entreprise qui donne tant à réfléchir par les suites fâcheuses que subit l’État sous un fardeau toujours plus pesant des dettes (une nouvelle invention) dont le remboursement devient imprévisible que, dans notre partie du monde où les États sont très interdépendants du point de vue économique, tout ébranlement de l’un a une influence sur tous les autres, et cette influence est si évidente que ces États, pressés par le danger qui les concerne, s’offrent, bien que sans caution légale, comme arbitres et, ainsi, de loin, préparent tous un futur grand corps politique, dont le monde, dans le passé, n’a présenté aucun exemple. », Œuvres philosophiques, II, Paris, Gallimard, 1985, p. 202.
18Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire. Les origines françaises du fascisme (1885-1914), Paris, Seuil, 1978, p. 324.
24Pierre Milza, Histoire de l’Italie. Des origines à nos jours, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2005, p. 624.
26https://fr.wikisource.org/wiki/La_Chartreuse_de_Parme_(%C3%A9dition_Dupouy,_1910)/Livre_Premier/Chapitre_premier
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