L'affaire Bettencourt - Le pillage

Ces méfaits greffés à d’autres commis antérieurement révèlent que l’exercice du pouvoir en France est devenu furieux.

Pire que le Watergate...


À bien y penser, Richard Nixon était un modeste. Un timide chez qui l'ambition se confondait avec l'avarice. Lorsque l'on compare, même si on sait que comparaison n'est pas raison, son petit cambriolage dans les locaux du Watergate avec ceux dont des journalistes français de trois médias (trois!) différents ont été les victimes, on ne peut que constater que le cynisme des autorités françaises ainsi que la brutalité de leurs méthodes s'avèrent une transgression du territoire démocratique, une amputation de la qualité démocratique.
Aux petites heures, des barbouzes chevronnés se sont introduits dans les locaux du Point, de Mediapart et du Monde pour rafler les ordinateurs et CD-ROM des six journalistes qui couvrent l'affaire Woerth-Bettencourt. Dans un cas, celui d'un reporter du Point, ils sont allés jusqu'à fouiner dans son appartement. Ces méfaits greffés à d'autres commis antérieurement révèlent que l'exercice du pouvoir en France est devenu furieux. Point barre!
On sait aujourd'hui qu'auparavant, le procureur Philippe Courroye, ami du président Sarkozy et ennemi juré de la juge d'instruction, donc indépendante, Isabelle Prévost-Desprez, avait ordonné l'examen des factures téléphoniques de deux journalistes du Monde afin de déterminer s'ils échangeaient avec elle. Cette dernière est chargée d'instruire la plainte déposée par Françoise Bettencourt, la fille de Liliane. L'objectif de Courroye? Obtenir, si possible, des preuves que la juge viole le secret de l'instruction.
On sait également qu'avant cela, ordre avait été donné à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), soit le service de contre-espionnage qui dépend du ministre de l'Intérieur, d'enquêter sur les sources des reporters du Monde. Plus précisément, les autorités voulaient connaître l'identité de ceux ou celles qui alimentaient ce quotidien. La suite? Lorsque le procureur de la République de Paris a exigé qu'on lui fournisse «les vérifications techniques» effectuées par la DCRI, les patrons de celle-ci lui ont opposé... le secret-défense! Si Nixon avait eu l'intelligence de commander son casse au FBI ou à la CIA et non à des lampistes...
Dans la matinée d'hier, Mediapart révèle donc qu'à l'instar du Monde et du Point, ses journalistes ont été victimes d'une basse besogne. Afin de noyer cette information dérangeante pour le gouvernement, ce dernier a fait ce qu'il fait toujours en pareil cas. En effet, plus tard dans la journée, la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, dont le silence dans cette affaire permet d'avancer le peu de cas qu'elle se fait de la déontologie, a annoncé le dépaysement géographique du dossier. Autrement dit, après trois ans d'instruction, on retire ce dossier du parquet de Nanterre pour le remettre à celui de Versailles. Trois années perdues!
À observer le comportement du gouvernement Sarkozy, à scruter sa culture démocratique faite d'arbitraire royal ou de fait du prince, on finit par se dire qu'il n'est pas tant républicain que bourbonien ou capétien. C'est au choix.


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