«Il faut refaire le pari de la démocratie»

Génération d'idées veut remettre le sens du collectif au centre d'un Québec pragmatique et en mouvement

Le destin québécois



Le président de Génération d'idées, Paul St-Pierre Plamondon.

Photo : Archives Le Devoir


Fabien Deglise - La crise interne qui a frappé en début de semaine le Parti québécois (PQ) repose sur des vérités «grosse comme un ballon de plage». C'est en tout cas ce qu'estime le président de Génération d'idées, Paul St-Pierre Plamondon, qui voit dans ce drame politique une autre «confirmation de la défaillance du service public». Défaillance à l'origine du désengagement des citoyens et contre laquelle le groupe, qui dévoilait hier un important mémoire, veut désormais opposer des solutions jeunes et fonctionnelles.
«Il faut refaire le pari de la démocratie», dit le cofondateur de ce mouvement citoyen qui a rassemblé près de 400 jeunes de 20 à 35 ans lors d'un sommet en novembre dernier. Les discussions qui s'y sont tenues ont fait émerger plus de 130 propositions pour remettre le Québec en marche, propositions que le groupe a rendues publiques dans un document d'une centaine de pages hier à Montréal.
«Le processus en vase clos qui caractérise la politique québécoise, tout comme le principe de la ligne de parti, sont responsables du désengagement du citoyen de la vie démocratique et contribuent aussi à l'effritement du service public. Or, ces problèmes institutionnels empêchent aussi aujourd'hui toute une génération qui a des choses à dire à prendre sa place dans la sphère publique, chose que Génération d'idées espère aujourd'hui enrayer en rêvant l'avenir du Québec en mode solution.»
Dans cette optique, Génération d'idées appelle d'ailleurs à une réforme urgente des institutions démocratiques du Québec afin de remettre le sens du collectif au coeur de la vie démocratique et surtout nettoyer la sphère publique dans laquelle la concurrence entre des intérêts privés prend, selon le groupe, trop de place.
Il estime également qu'une réforme du mode de scrutin est incontournable pour «revaloriser chaque vote», recommande une décentralisation du pouvoir politique et souhaite une réduction de la partisanerie dans les processus démocratiques en retirant entre autres au gouvernement «la prérogative du déclenchement des élections.»
Dans l'ensemble, ce mouvement qui souhaite faire sortir la parole à la génération Y pour l'amener sur la place publique dresse un constat peu complaisant du Québec contemporain. «Il y a un constat d'échec devant nos infrastructures sociales qui s'écroulent, a indiqué hier au Devoir M. St-Pierre Plamondon. Face à ça, nous pouvons décrocher et nous replier sur nous-mêmes ou, comme relève, prendre nos responsabilités aujourd'hui pour affronter des enjeux de société auxquels nous allons devoir forcément faire face plus vite qu'on le croit.»
Maîtriser sa destinée
Le destin pourrait être tracé par d'autres. Mais Génération d'idées propose plutôt de le prendre en main en dévoilant aujourd'hui ses pistes de réflexion dans une multitude de domaines, pour rêver aujourd'hui le Québec de demain. Un Québec ouvert sur sa diversité, véritablement inscrit dans une logique de développement durable, avec des institutions efficaces tournées vers le citoyen et capables de stimuler le sens perdu du collectif au lieu de l'éteindre, dit le président du mouvement.
Côté environnement, un thème important pour ce mouvement, Génération d'idées propose dans les grandes lignes l'établissement d'une taxe carbone pour diminuer les émissions de CO2, la réduction de l'emballage superflu ou encore de passer par l'éducation pour «faire du développement durable un mode de vie».
Ailleurs et en vrac, le groupe préconise l'amélioration du régime de redevances sur l'exploitation des ressources naturelles, dont l'eau et le gaz de schiste font partie, afin d'en tirer profit collectivement, tout en limitant leur épuisement, milite pour une réforme en profondeur du rôle des syndicats dans la fonction publique, en supprimant entre autres la sécurité d'emploi et en mettant «la compétence au coeur du système plutôt que le principe de l'ancienneté», et aspire à l'adoption de politiques d'achat responsable dans l'ensemble de l'appareil public et parapublic.
Génération d'idée souhaite que les projets de construction au Québec tiennent compte de «critères esthétiques plus rigoureux», et ce, afin revaloriser les bords de mer, les montagnes escarpées, les environnements urbains et lutter contre la prolifération «de centres commerciaux entourés de déserts de stationnement».
«Nous n'avons pas réinventé la roue, dit M. St-Pierre Plamondon. Dans nos propositions, il y a des idées neuves, du contenu qui existait déjà, mais dont la mise en place manque de rigueur, comme le développement durable et des projets qui n'ont jamais abouti. On accepte aussi que des pans de ce mémoire ne soient pas adéquats, mais nous espérons surtout que les partis politiques vont lire ce mémoire, que les médias vont le considérer et que finalement on en débatte collectivement», peu importe sa génération d'appartenance.
C'est que Génération d'idées, tout en se qualifiant de groupe de rêveurs pragmatiques un peu aventurier, reconnaît que le transfert de pouvoir inéluctable au Québec ne va pouvoir se faire sans la collaboration entre les générations, la jeunesse d'aujourd'hui n'ayant pas le poids démographique qu'avait celle qui a posé les bases de la Révolution tranquille.
«Mais en même temps, on s'attaque aussi un peu aux rêves déchus de cette révolution, poursuit-il. Nous avons le potentiel de reprendre le flambeau des rêves qui ont animé cette époque.»
Le dévoilement de ce premier mémoire de Génération d'idée doit poser les bases d'un nouveau sommet qui va se tenir cet automne et où l'ensemble des propositions pour construire le Québec de demain va être à nouveau débattu. Avec en trame de fond, l'envie de lutter contre l'inertie ambiante, mais aussi «devenir une source d'engagement dans la sphère publique pour un groupe d'âge» que l'on a souvent taxé d'individualisme et d'apathie et «qui est peut-être en train de changer d'idée sur la démocratie et l'importance de la construire ensemble», conclut-il.


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