Du temps jusqu'aux élections

Commission Charbonneau


Jean Charest a-t-il enfin vu la lumière... ou a-t-il tout simplement regardé un calendrier?
Selon des informations recueillies par notre chef de bureau à Québec, Denis Lessard, il semble bien que nous aurons, finalement, une commission d'enquête sur l'industrie de la construction. Quelle forme prendra cet exercice? Quels seront son mandat et sa portée? Huis clos d'abord, publique ensuite ou un mélange des deux, concurremment? Ce n'est pas très clair pour le moment, mais le changement de cap du gouvernement est aussi spectaculaire que surprenant.
Surprenant parce que ce gouvernement s'est obstinément retranché dans le camp du Non depuis près de trois ans et que son chef, ses ministres et ses députés répètent qu'une enquête publique serait inefficace et même contreproductive.
Vrai, on sent un peu de mou dans la détermination du gouvernement ces jours-ci. Visiblement, le témoignage percutant de Jacques Duchesneau devant une commission parlementaire, la semaine dernière, a ébranlé les colonnes du temple, mais les messages envoyés par Jean Charest et ses ministres sont tellement vagues et souvent contradictoires qu'il était bien difficile de trouver la ligne directrice.
Cela dit, tous les observateurs ont compris le double message du témoignage de Jacques Duchesneau au gouvernement: une commission d'enquête est nécessaire et urgente, mais il est possible de minimiser les éclaboussures et les autres dommages collatéraux, du moins au début, par le huis clos. Cette avenue, tout le monde l'a bien compris aussi, permettrait au gouvernement de gagner du temps. Et du temps, Jean Charest en a besoin pour survivre jusqu'aux prochaines élections.
Si Jean Charest annonce effectivement une commission d'enquête dans les prochaines semaines, il faudra quelques mois avant que celle-ci ne prenne forme, qu'elle recrute son monde, s'installe et soit prête à commencer ses travaux. Mine de rien, on arrive vite à la pause des Fêtes et, en prime, Jean Charest peut répéter pendant tout le reste de la session parlementaire qu'il y aura une enquête. Si, en prime, l'Unité permanente anticorruption pouvait pincer quelques suspects «au plus haut de la hiérarchie» du monde de la construction, comme l'a dit son patron Robert Lafrenière, cette semaine à Paul Arcand, ce serait la cerise sur le gâteau.
Ce scénario nous amène tout doucement au printemps, période électorale plausible pour un gouvernement qui sera dans sa quatrième année de mandat et qui n'a aucun intérêt à laisser François Legault s'organiser davantage.
L'important pour les libéraux, c'est de se présenter devant l'électorat avant la partie publique d'une enquête, au cas où on apprendrait des choses malpropres à propos du financement des partis politiques. Et avant une nouvelle récession qui nous pend au bout du nez. Une fois évacué le dossier de l'enquête publique, le bilan des libéraux se défend après plus de huit ans au pouvoir. Vrai, ça n'a pas toujours été joli, mais économiquement, le Québec s'en tire plutôt bien. À supposer que Jean Charest puisse mettre un peu de chair sur l'os de son Plan Nord (et surtout être capable de le «vendre» aux Québécois), il pourra de nouveau jouer la carte économique. La grogne, l'impatience et le désabusement de la population envers ce gouvernement ne se dissiperont pas pour autant, mais pour Jean Charest, c'est le seul espoir de survie politique.
L'opération aurait aussi pour effet de neutraliser Jacques Duchesneau, qui a promis de «reprendre le bâton du pèlerin» si le gouvernement n'entend pas raison.
Il reste à voir, d'abord, de quelle enquête il est question. La population et l'opposition n'accepteront pas une solution mitoyenne. Il reste à voir, ensuite, comment le gouvernement expliquera sa volte-face, lui qui a accumulé tellement de déclarations contre une enquête publique. Toute sa logique s'écroulerait.
Il faut dire que pour la première fois depuis des années, on a senti depuis quelques jours une certaine pression émanant des rangs libéraux.
Il y a eu, notamment, la sortie de Monique Jérôme-Forget, qui a affirmé que les firmes de génie-conseil en mènent large auprès du gouvernement.
Puis, la démission du rédacteur de discours de Jean Charest, Patrice Servant, moralement indisposé par le refus du gouvernement de s'opposer à une enquête publique.
Enfin, cette ouverture de la direction du Parti libéral de débattre publiquement de la pertinence d'une enquête publique à son prochain conseil général.
L'image de 2000 militants libéraux réunis dans une salle et parlant, encore une fois, de tout sauf DU principal sujet de préoccupation, ç'eût été un peu gênant...


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