J'aurais une question, moi aussi: est-ce que Dessau a payé des avocats pour faire répéter Rosaire Sauriol avant qu'il vienne témoigner à la commission Charbonneau?
C'est ce qu'on fait d'ordinaire quand on risque la réputation d'une multinationale et sept ou huit ans de pénitencier.
C'est assez classique comme truc. Tu amènes le témoin dans une grande salle vitrée dans une de ces tours que les grands bureaux d'avocats occupent au centre-ville. Et là, tu lui dis: OK, mon Rosaire, là Bob, un de nos meilleurs en contre-interrogatoire, Bob va te brasser comme si tu étais à la Commission.
C'est ce qui s'appelle préparer un témoin.
Ils ont dû faire ça, je ne peux pas croire que Dessau n'ait pas pensé à ça. Et c'est ça que Rosaire Sauriol leur a raconté? Les mêmes niaiseries qu'il nous a racontées hier?
Hon...
Et là, les avocats ont dit: super, mon Rosaire, t'es é-coeu-rant, vas-y, on va te regarder à la télévision!
Si c'est ça, ils lui ont fait une sale blague, au Rosaire. Bah, chacun son tour de se faire fourrer, pas vrai?
***
Alors voilà le Rosaire qui débarque à la Commission, une grosse valise pleine de merde dans chaque main. Il pense qu'on ne s'en aperçoit pas, mais elles suintent de toutes les mille magouilles des années passées, ces deux valises de merdes politiques.
Ah oui, il a violé le Code criminel et cinq ou six autres lois, il l'avoue. Mais tout va bien maintenant! Ils ont tout avoué au fisc, payé des amendes, et Dessau a son code d'éthique depuis 2009! Avant, on ne savait pas trop, c'est compliqué, l'éthique: on prend des coupures de 20 ou de 100 pour acheter un élu?
Et puis Rosaire est passé à autre chose. Il s'occupe maintenant de l'Amérique du Sud...
Ils sont convaincus que toute cette merde, on ne la sentira pas. Mais elle les suit.
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Rosaire Sauriol, vice-président principal d'une firme de génie-conseil de 4000 employés, nous dit au jour 1 qu'il se balade avec des valises pleines de cash de mairie en mairie, pendant des années, grâce à un stratagème de fausses factures que lui-même qualifie de «criminel». Et au jour 2, il nous dit que ce n'est pas de la corruption!
C'est quoi, alors?
Je me demande comment se sentent les ingénieurs de Dessau en voyant leur patron.
Tous ces ingénieurs dont le métier ne souffre aucun compromis sur les règles de la physique, et qui font honnêtement leur travail, partout dans le monde.
Je me souviens du temps où les dirigeants de Dessau tentaient d'intimider les journalistes. Mises en demeure à Radio-Canada. Lettre ouverte publiée dans La Presse le 12 mai 2009, où le PDG de Dessau, Jean-Pierre Sauriol, se plaignait des médias. «On laisse entendre que certains contrats octroyés à Dessau, à ses filiales ou à des consortiums dont nous faisons partie, l'ont été de manière indue et contraire à l'intérêt public», se lamentait-il.
Il était bien choqué, M. Sauriol: «Jamais au grand jamais avons-nous cherché à enfreindre quelque loi ou voulu manquer à quelque règle que ce soit.»
Ah oui, hein?
Quatre ans plus tard, son petit frère vient dire que non seulement ils ont violé toutes les règles en matière de financement politique, mais qu'en plus, il était partie aux trucages d'appels d'offres et au tripotage de contrats avec Frank Zampino - sauf pour les plus gros!
Zampino à qui il apportait du cash, Zampino qui était le vrai patron à la Ville de Montréal, un homme «foncièrement malhonnête» de toute évidence, comme a dit le procureur Gallant... Et Zampino que Dessau a embauché comme VP en 2008! «Un erreur monumentale», concède Rosaire Sauriol.
Une «erreur» ? Mais non. L'aboutissement d'un stratagème criminel, terminé uniquement par le travail des journalistes et de la police.
En 2011, dans une lettre envoyée à notre rédacteur en chef, la responsable des communications de Dessau demandait qu'on cesse de s'acharner sur ce fleuron du génie-conseil québécois. «Dessau n'est l'objet d'aucune accusation et est convaincue d'avoir toujours agi conformément à la loi et aux règlements», disait-elle.
Ah oui, hein? Rosaire Sauriol nous dit qu'en 2009, Dessau s'est dénoncé au fisc! Problème de communication interne?
***
Ces gens-là se promenaient comme s'ils étaient propriétaires des mairies, et ils l'étaient. Et arrogants. Et écrasant toute la concurrence, surtout les petits. Et les fournisseurs. Et fourrant le public à en brailler de rire, la croisière s'amusait ferme... Et maintenant ils disent qu'il s'agissait d'erreurs, ils accusent la gourmandise des politiciens...
Tricheurs. Menteurs. Voleurs.
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