Notre constitution américaine de 1982
10 septembre 2019
Maître Néron, il est remarquable et louable que ce soit un avocat qui ose dénoncer l’auguste judiciocratie instaurée par la constitution canadienne de 1982. Vous en avez efficacement souligné l’effet pervers, la promotion de l’individualisme narcissique contre le bien commun.
Dans ce nouvel enclos mental, le recours à la disposition de dérogation fait figure de péché mortel. En tant que flèche pointant en permanence vers le talon d’Achille du régime fédéral, ce recours explique le dépit amer des gens de robe aux ordres du système.
Lors du projet d’importation de la constitution canadienne, la plupart des provinces anglaises ainsi que le parlement britannique éprouvaient une forte réticence à y intégrer une charte des droits qui aurait pour effet de créer un « gouvernement des juges » aux dépens de la souveraineté parlementaire. D’où la concession de Pierre Elliott Trudeau concernant la disposition de dérogation, qui sera fatale à son dessein. Autre concession ruineuse : l’installation de Dieu dans le préambule de la constitution, dont le contresens prend tout son relief dans le contexte du peuple québécois devenu officiellement laïque.
Certes, l’union sacrée des gouvernements fédéral et provinciaux anglais a prévalu contre l’unique province française du Canada en 1982. Sous le vernis des droits individuels. C’était prévisible puisqu’il n’y a pas eu négociation explicite entre deux nations libres, l’une étant soumise à la volonté de domination exacerbée de l’autre. Cette dernière se permettant de redéfinir les règles du jeu à sa guise.
Depuis, le multiculturalisme apparaît comme le centre de la constitution canadienne. Caché dans ce saint des saints, le multiconfessionnalisme en est le véritable moteur. Davantage, il s’avère l’incubateur de la fragmentation communautariste infinie selon le mode extrême, celui des groupes religieux intégristes. Il sécrète une atmosphère qui tabouise l’ensemble de cette constitution verrouillée contre tout changement qui correspondrait à la volonté populaire. On s’applique donc à soustraire le multiconfessionnalisme en ses diverses formes à toute critique en taxant aussitôt celle-ci de manifestation de phobie ou de haine. Nouvelle version intériorisée du délit de blasphème, ce délit de pensée confère de plus l’avantage de la justice expéditive du lynchage social.
On constatera toutefois que la constitution canadienne de 1982 est devenue une boîte de Pandore. Si elle avait pour but de neutraliser définitivement le dynamique élément français du pays, elle détruit actuellement le régime canadien lui-même, transformé en un magma postnational aisément manipulable par les puissances étrangères.
Pour éviter le même sort, notre nation doit saisir cette occasion pour réaliser l’indépendance du Québec. Autrement, elle subirait la lente mais inexorable mise à mort planifiée par cette constitution totalitaire qui cherche à brouiller hypocritement la conscience des citoyens.