L'opposition, moins le pouvoir. Le Québec a déclenché une vague bloquiste moins forte que prévu, a bonifié la députation libérale sur l'île de Montréal, mais a réduit la représentation conservatrice ministrable avec la défaite du candidat-vedette Michael Fortier. L'imprévisible campagne sur fond de crise boursière a été remportée au Québec par le Bloc, au détriment des conservateurs reportés au pouvoir sans majorité et des libéraux finalement incapables de tirer profit des craintes et des espoirs déçus de la population anticonservatrice.
Au moment de mettre sous presse, le Bloc québécois comptait 49 députés élus ou en avance, le Parti libéral 14 et le Parti conservateur 10. L'animateur de radio André Arthur a été réélu comme indépendant et le néodémocrate Thomas Mulcair se battait pour conserver son siège. Au total, le Québec compte 75 circonscriptions.
Par contre, au chapitre des voix, la formation indépendantiste a perdu beaucoup de terrain, avec environ 38,5 % des suffrages exprimés, soit cinq points de moins qu'en 2006. Les conservateurs et les libéraux demeurent à égalité, avec environ 22 % des voix chacun. Par contre, les libéraux ont réussi à augmenter un peu leur députation.
Les deux chefs des grands partis se présentant au Québec, Stéphane Dion et Gilles Duceppe, ont été facilement réélus dans leur circonscription respective, le chef de l'opposition officielle dans Saint-Laurent-Cartierville, le chef souverainiste dans Laurier-Sainte-Marie, qu'il représente sans interruption depuis 1990.
Le Parti conservateur comptait onze députés, dont cinq ministres au déclenchement des élections. Le ministre du Commerce international, Michael Fortier, responsable de la région métropolitaine, a créé une importante onde de choc en ne réussissant pas à se faire élire dans Vaudreuil-Soulanges, à l'ouest de Montréal. La bloquiste Meili Faille qui avait déjà bouté hors de son fief le libéral Marc Garneau en 2006 a déboulonné le seul ministre non élu du cabinet Harper. Le ministre Fortier avait reçu in extremis des appuis du maire de Montréal et du promoteur culturel Gilbert Rozon.
L'autre ministre conservatrice la plus en vue au Québec, Josée Verner, ne semblait pas vraiment menacée dans Limoilou, une circonscription de la capitale. Mme Verner avait pourtant été malmenée pendant toute la campagne par les farouches adversaires de la décision conservatrice de comprimer les dépenses en culture. En entrevue hier soir, malgré sa victoire, elle a avoué avoir trouvé la campagne «très dure». Le PC a perdu 1 % des voix exprimées dans la région de Québec.
Un autre ministre, Jean-Pierre Blackburn jouait aussi son va-tout dans Jonquière-Alma. Il a été réélu avec une confortable avance dépassant les 3000 voix. La bloquiste Chantale Bouchard semblait pourtant menacer sérieusement son poste aux Communes.
Maxime Bernier, l'ex-ministre du scandale, se représentait en Beauce avec l'assurance d'une réélection facile, ce qui est effectivement arrivé. M. Bernier, fils d'un politicien de la région, a obtenu à peu près deux fois plus de voix que tous ses adversaires réunis, avec 24 800 voix. L'ex-ministre des Affaires étrangères, sanctionné pour avoir oublié des documents chez sa compagne Julie Couillard, a reconnu que le Bloc avait fait une «bonne campagne». «C'est le privilège du premier ministre», a-t-il répondu quand il a été questionné sur sa chance de retourner au cabinet.
Deux autres ministres pouvaient craindre pour leurs positions. Lawrence Cannon, ministre des Transports, a retrouvé son siège de Pontiac et Christian Paradis, ministre des Travaux public, celui de Mégantic-L'Érable.
Au moment de mettre sous presse, le seul néodémocrate de la province, Thomas Mulcair, élu en 2007 dans le cadre d'une élection partielle à Outremont, bataillait ferme avec le comédien Sébastien Dhavernas, désigné candidat pour le Parti libéral une semaine seulement avant le déclenchement des hostilités électorales. Le lieutenant de Jack Layton au Québec menait par quelques centaines de voix.
Dans Papineau, le libéral Justin Trudeau a fait mordre la poussière à la bloquiste sortante Vivian Barbot. Le fils de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, inexpérimenté, a mené sa lutte sur le terrain, au coude à coude, courtisan ses électeurs sans relâche depuis un an, y compris les minorités culturelles.
La bataille du Québec a été marquée par la crise financière, comme toutes les régions du pays. L'inquiétude a monté de plusieurs crans après les débats des chefs à la fin septembre.
La campagne québécoise a toutefois suivi sa propre logique avec au moins deux thèmes forts, soit le sort des jeunes contrevenants et celui de la culture. La volonté des conservateurs de miser sur la répression des mineurs coupables de «crime grave» a choqué les partisans de la réadaptation, majoritairement favorisée au Québec. Les compressions de quelque 45 millions dans différents programmes de formation, de création et de diffusion des arts ont mobilisé les artistes et les professionnels de la culture. Eux aussi ont réussi à établir un lien entre cette décision et les fondements de la philosophie conservatrice, stimulant encore plus les inquiétudes auprès des électeurs favorisant un État culturel fort. La promesse conservatrice d'abandonner le controversé projet de loi ouvrant la porte à une apparence de censure des productions cinématographiques n'a pas semblé calmer les inquiétudes.
Stephen Harper a maintenant dix députés québécois, dont quatre ministres réélus pour former son gouvernement. Par contre, Montréal sera complètement absente du cabinet, du moins si le premier ministre maintient son intention de ne pas recourir à des non-élus dans son cabinet.
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