Les ministres du cabinet Charest se voulaient positifs jeudi à Laval. La baisse significative du taux d'insatisfaction à l'endroit du gouvernement enregistrée par le dernier sondage CROP signifie que le ciment dont les libéraux semblaient prisonniers n'a pas pris de façon définitive.
Le premier ministre a cependant eu le mot juste : «Le fruit n'est pas mûr.» Il a eu beau écourter ses vacances estivales et distribuer les milliards, les intentions de vote en faveur du PLQ enregistrées par CROP n'ont pas bougé d'un poil depuis la fin de juin. Par rapport au sondage que Léger Marketing avait effectué à la même période, il y a même un recul de cinq points.
Pourtant, les politiques annoncées au cours des derniers mois ont été bien reçues. En dehors de l'Estrie, on n'a pas entendu parler du mont Orford de l'été. Encore cette semaine, les groupes environnementaux ont accordé une bonne note au gouvernement pour son plan de lutte contre les gaz à effet de serre.
Si CROP avait constaté une égalité avec le PQ, M. Charest aurait peut-être été tenté de prendre le PQ de court et de déclencher des élections dès cet automne en misant sur ses talents de campaigner. André Boisclair n'a jamais subi l'épreuve d'une campagne électorale, et la solidité de ses nerfs sous pression demeure un point d'interrogation.
Un retard de cinq points, alors que le PLQ aurait besoin de cinq points d'avance pour l'emporter en raison de la concentration de son vote dans certaines circonscriptions à forte concentration non francophone, constitue un risque que rien ne force le premier ministre à courir. Sous réserve d'un renversement spectaculaire de l'opinion au cours des prochaines semaines, on revient donc au scénario initial d'élections générales au printemps 2007.
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On n'efface pas trois ans d'insatisfaction chronique en deux mois. Manifestement, les électeurs qui n'avaient «pas voté pour ça» ont encore besoin de temps pour surmonter la déception accumulée.
Il est néanmoins curieux que les libéraux n'aient même pas eu droit à la petite prime estivale que les électeurs accordent souvent aux gouvernements. C'est à se demander s'il n'y a pas autre chose qui freine leur remontée.
Au début de l'année, c'est essentiellement l'arrivée au pouvoir des conservateurs qui a réussi à stopper la descente aux enfers du PLQ, qui semblait s'enfoncer toujours plus profondément d'un sondage à l'autre. Si Paul Martin était demeuré premier ministre, il n'y aurait probablement jamais eu de conjectures sur la possibilité d'élections générales cet automne. On ne se poserait peut-être même pas de question sur le leadership d'André Boisclair.
Au cours des mois qui ont suivi les élections fédérales, les libéraux ont profité tant bien que mal de cet élan. M. Charest ne ratait aucune occasion de poser en compagnie de Stephen Harper, soudainement devenu la coqueluche des Québécois grâce à son «fédéralisme d'ouverture» et sa promesse de régler le déséquilibre fiscal, peu importe ce que ses adversaires pouvaient dire de ses valeurs de droite, si étrangères aux nôtres. Les deux hommes étaient devenus inséparables, de véritables siamois.
Cette belle amitié commence à devenir compromettante maintenant que la popularité du premier ministre canadien pique du nez. Son appui inconditionnel à Israël dans la guerre au Liban, puis son absence remarquée à la conférence de Toronto sur le sida ont eu un effet révélateur : cet homme, totalement insensible à la détresse humaine, était bel et bien le dangereux militariste à la solde de Washington qu'on avait décrit.
Bien avant que M. Harper n'annule officiellement la conférence des premiers ministres sur le déséquilibre fiscal, ses efforts pour relativiser la gravité du problème ont semé des doutes sur sa détermination à le régler. Donner un strapontin au Québec à l'UNESCO ne lui coûtait pas grand-chose, mais va-t-il vraiment faire une croix sur l'Ontario pour satisfaire les demandes du Québec en matière de péréquation ?
Maintenant que le premier ministre canadien n'agit plus comme remorqueur, le PLQ fait du surplace. M. Charest a eu beau s'efforcer de se distancier des positions d'Ottawa, aussi bien sur la question libanaise que sur l'application du protocole de Kyoto, il demeure indissociablement lié à son frère siamois. Pour le meilleur et pour le pire.
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Si les chiffres de CROP n'ont pas de quoi faire pavoiser le PQ, le report des élections au printemps 2007 serait une excellente nouvelle pour lui. André Boisclair n'aura pas trop de ce répit pour réunir l'équipe du tonnerre qu'il a promise de façon bien présomptueuse.
Norman MacMillan a fait preuve de son manque de jugement habituel en prédisant qu'il serait mis hors de combat dès la reprise des travaux parlementaires. Depuis son arrivée à la tête du PQ, on reproche à M. Boisclair de faire simplement du théâtre, sans croire vraiment ce qu'il dit. Précisément, il sera tout à fait dans son élément à l'Assemblée nationale.
Des élections au printemps 2007 permettraient au gouvernement de présenter un dernier budget qui, n'en doutons pas, sera généreux. Tout cela est cependant bien loin. Depuis trois ans, ce gouvernement a été incapable de passer une seule session parlementaire sans multiplier les gaffes. Pourquoi cela changerait-il ?
Tout indique que Mario Dumont ne changera pas non plus. Le chef de l'ADQ promet plus de mordant et plus d'agressivité au cours des prochains mois. C'est sans doute ce qui l'a mené à dénoncer le «socialisme» du gouvernement Charest, qui veut empêcher la surfacturation dans les garderies privées subventionnées par l'État. C'est ce genre de déclaration parfaitement saugrenue qui explique que l'ADQ ne recueille plus que 13 % des intentions de vote. M. Dumont rappelle de plus en plus Camil Samson, qui voyait le Québec au bord du précipice et promettait de lui faire faire un pas de plus.
mdavid@ledevoir.com
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