Dans une campagne déjà peu inspirante, la plus grosse erreur de Denis Coderre aura peut-être été de répéter à qui voulait l’entendre qu’il en était à sa onzième élection. Après seulement quatre ans à l’hôtel de ville, il s’est lui-même accolé l’étiquette de « vieux politicien ».
On pourrait très bien comprendre qu’il soit habité par un sentiment d’injustice. En 2009, Gérald Tremblay avait obtenu un troisième mandat de suite alors que son administration baignait dans le scandale. M. Coderre est mis à la porte après avoir fait le ménage, même s’il a peut-être tourné quelques coins un peu ronds.
Il doit cependant être le premier à savoir que sa victoire de 2013 était largement due à la division de l’opposition. Il l’avait emporté avec seulement 32 % des suffrages exprimés (149 467 voix), par rapport à 46 % (214 266 voix) dimanche.
Plusieurs ont conclu de ses adieux à la vie politique « municipale » qu’il envisageait déjà de se recycler à un autre niveau. On pense immédiatement à une autre bête politique, Jean Lapierre, qui avait repris du service après une période de ressourcement dans les médias.
S’il décide de replonger, il lui sera cependant très difficile de faire oublier qu’il en sera à sa… douzième campagne. Surtout, il apparaît très douteux que le style « mononc’ » redevienne à la mode un jour.
On a dit un peu partout que Valérie Plante avait fait éclater le fameux « plafond de verre ». Son élection constitue certainement un formidable signal pour les femmes et pour les féministes de tout le Québec, mais c’est aussi un rafraîchissant pied de nez à l’establishment, aussi bien économique que médiatique, qui s’était rangé en bloc derrière le maire sortant dans un réflexe qui avait aussi un fort relent de paternalisme.
En ce sens, la victoire est encore plus spectaculaire que celle de Pauline Marois en 2012. L’accession d’une femme au poste de premier ministre était sans doute un grand pas en avant, mais Mme Marois faisait aussi partie d’un certain establishment.
Montréal a tourné le dos à la « vieille classe politique ». Prochaine étape : le Québec, a lancé Amir Khadir, ayant clairement à l’esprit l’élection générale d’octobre 2018, mais dans quelle mesure l’exemple de Mme Plante sera-t-il contagieux en dehors de Montréal ?
Les résultats de dimanche interdisent toute généralisation. À Saguenay, l’élection de Josée Néron marque indéniablement un changement d’époque après l’interminable règne du maire Tremblay, tout comme celle de Steve Lussier, cet autre nouveau venu en politique qui a renversé le président de l’Union des municipalités, Bernard Sévigny, à Sherbrooke. En revanche, les électeurs de Québec et de Trois-Rivières ont démontré éloquemment leur préférence pour le statu quo.
L’exemple de la capitale devrait d’ailleurs inciter à la prudence. La dynamique n’est manifestement pas la même aux deux niveaux de gouvernement. Alors que Régis Labeaume vient d’obtenir un quatrième mandat avec 55 % des voix, le dernier sondage Léger-Le Devoir laissait entrevoir un balayage de la CAQ, dont la récente élection partielle dans Louis-Hébert a donné un aperçu.
C’est surtout le PQ que la victoire de Valérie Plante devrait faire réfléchir. Le même sondage indiquait clairement que la population ne voit pas en lui un agent de ce changement qu’incarne si bien la nouvelle mairesse. Il ne peut que s’inquiéter de la proximité entre Projet Montréal et Québec solidaire, qui pourra compter sur de solides complicités pour se lancer à l’assaut des circonscriptions péquistes.
La défaite-surprise de Réal Ménard dans l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve constitue un signal d’alarme pour la députée Carole Poirier, dont la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve était déjà dans la mire de QS. La menace se précise également pour Jean-François Lisée, qui ne peut plus tenir Rosemont pour acquis.
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