Crise du coronavirus: «on pourrait s’orienter vers une société de contrôle permanent»

La Chine n'exporte pas que son virus : elle exporte aussi sa surveillance de masse


Mesure controversée, le confinement est une atteinte aux libertés prise au nom du Bien commun. Mais ce n’est pas le seul dilemme éthique posé par le coronavirus. Emmanuel Goffi, directeur du Centre de recherche et expertise en éthique et intelligence artificielle à Paris, revient sur ces questions délicates au micro de Rachel Marsden.





La panique liée au coronavirus se propage maintenant dans le monde entier. On estime qu’actuellement, un tiers de la population mondiale confinée à domicile. On nous dit que c’est pour notre bien, pour notre santé et celle de la société.


L’argument avancé est que le prix de l’abandon ou de la suspension de nos libertés civiles élémentaires et de ses répercussions financières, qu’elles soient personnelles, nationales ou mondiales, de la mise en quarantaine ne sont rien comparées au coût de la propagation du virus. Faire le choix, comme l’ont fait de nombreux gouvernements, de compromettre la liberté personnelle pour le bien collectif est une considération éthique. Et ce n’est pas non plus la seule de cette crise. Alors, que sont les autres questions éthiques? Et comment peuvent-elles être évaluées?

Emmanuel Goffi, directeur du Centre de recherche et expertise en éthique et intelligence artificielle de Paris, décrypte l’éthique du confinement:



«Les gouvernements qui ont choisi la solution du confinement l’ont certainement fait en se disant que c’était la meilleure option pour endiguer cette expansion de l’épidémie. Et puis, au fur et à mesure, on va découvrir, ou bien l’on commence à découvrir, les problèmes qui sont liés au confinement -les problèmes de stress, d’anxiété, ou liés au fait d’être isolé... Je regarde les informations françaises et je trouve que c’est extrêmement anxiogène, c’est-à-dire qu’on est bombardé d’informations qui sont globalement toujours les mêmes et qui ne sont pas du tout des informations fiables... on est vraiment dans du négatif-négatif.»



Et quid de l’éthique de l’approche de Trump, qui a rejeté jusqu’ici le principe du confinement au niveau national?

«Même si l’on n’est pas d’accord avec son positionnement, sa manière de voir les choses, c’est-à-dire "attention, les conséquences économiques peuvent être extrêmement importantes", ça mérite au moins qu’on y réfléchisse.»


D’après M.Goffi, les possibles atteintes aux libertés sous prétexte de cette crise sanitaire méritent une attention particulière:



«On s’aperçoit que ce que l’on critiquait dans certains pays, par exemple les violations de la vie privée ou des droits fondamentaux du respect de la vie privée, par exemple en Chine, on est en train d’y aller tranquillement, très sûrement d’une certaine manière, parce que le contexte est favorable. Le contexte, c’est la crise sanitaire, qui fait qu’on est confinés, que quand on est confiné, on va avoir un recours massif à tous les outils numériques.»


Le directeur du Centre de recherche et expertise en éthique et intelligence artificielle de Paris met en garde sur les dangers du fichage généralisé qui progresse en cette période de pandémie:



«Il y a une espèce de système anarchique de collecte de données qui est en train de se mettre en place, qui sort complètement du cadre légal normal, et personne ne s’en inquiète. Ça, c’est quelque chose qui m’inquiète vraiment sur le plan éthique. On est de plus en plus surveillés, d’une certaine manière, et potentiellement, on pourrait s’orienter vers une société de contrôle permanent en France comme ce que l’on critique par exemple en Chine.»