Un éditorial dans La Presse d’hier m’a secoué.
Les anglophones du Québec sont fâchés et François Legault en est le grand responsable.
Diantre !
Nos Anglos ne reconnaissent plus leur PLQ – quoi, il les lâche ? – et sont outrés par les discrets petits pets nationalistes de la CAQ.
Malheureux
Lesquels ? La loi sur la laïcité, la réforme linguistique, le non-agrandissement du cégep Dawson et le fait d’avoir « perdu leurs commissions scolaires ».
La Presse y voit « une mauvaise nouvelle pour la cohésion sociale » et trouve triste qu’« une partie de la population dise se sentir aliénée dans sa propre province ».
Après la « paix relative » sur le plan linguistique des dernières années, dit-elle, « le spectre de nouvelles chicanes francos--anglos est tout sauf réjouissant ».
Le spleen des Anglos est-il justifié par une attaque massive sur leurs droits ?
Pas important, puisque La Presse nous dit : « Qu’on soit d’accord ou non avec ces doléances n’est pas la question. Le fait est qu’elles existent [...] ».
Appelons cela l’esprit du domestique : le client a toujours raison. Le reste ne compte pas.
François Legault, gros méchant, fait preuve d’un « manque de sensibilité » jugé « flagrant ». Il mènerait une « politique de la division ».
Tout cela est mauvais « pour la cohésion sociale ». Il faut plutôt « bâtir des ponts » et « tendre la main ».
Mais attention, la réforme linguistique, nous dit La Presse, est pourtant « justifiée et absolument nécessaire ».
Si vous avez fini de rire, récapitulons ensemble : nos Anglos sont mécontents, ils souffrent, c’est regrettable, peu importe si c’est justifié ou pas, et tout est la faute de Legault... qui a cependant le devoir d’agir pour le français.
Si les clichés et l’insignifiance se payaient au poids, ce texte vaudrait une petite fortune.
J’ai vérifié auprès de ma femme : le 1er avril est bien passé.
Comme il s’agit d’un éditorial et non d’une chronique, c’est le point de vue officiel de la maison qui s’exprime.
Je connais des claviers de bonne foi dans cette boîte qui ont dû lever les yeux au ciel devant cette lamentable génuflexion de commande.
Vous y chercherez en vain l’ombre du début d’une évocation de la situation objective des anglophones du Québec en termes historiques, institutionnels et financiers.
Ce qui compte, c’est comment ils se sentent.
Vous chercherez en vain un rappel du fait que la réforme linguistique est jugée très insuffisante par ceux qui regardent les chiffres et non les épidermes, et que les commissions scolaires ont été rebaptisées « centres de services scolaires ».
On notera que les minorités présentées comme heurtées par la loi 21 sont amalgamées à la communauté anglophone, comme s’il devait aller de soi que les nouveaux arrivants convergent vers elle.
Couché !
La ligne éditoriale de La Presse a toujours joué le rôle de sédatif de la conscience nationale des francophones.
Les visages se renouvellent, le statut légal change, mais l’esprit des lieux et la mission fondamentale perdurent.
L’industrie du tapis est florissante chez nous.