Malgré l’inévitable concurrence pour les parts de marché, les grands médias évitent de critiquer le traitement de l’information et le choix de nouvelles de leurs concurrents. Une règle non officielle que Gesca a transgressée à deux reprises dans les dernières semaines, en blâmant la couverture médiatique de la presse écrite et de la télé, lors de deux événements ayant fait mal paraître le gouvernement : une manifestation anti-austérité ayant perturbé un discours économique, et la boulette de trop du boulet démissionnaire au ministère de l’Éducation concernant les fouilles à nu « respectueuses » des étudiants.
Bien que « respectueuses »(!), les deux récentes critiques de Gesca à l’endroit de plus d’un média ne sont donc pas banales. Ni encore moins fortuites. Surtout de la part d’un empire médiatique de la presse écrite ouvertement libéral et solidaire d’un gouvernement gaffeur, arrogant et de plus en plus contesté.
1ère critique : « L’information spectacle », par Alain Dubuc
Un texte dans lequel Alain Dubuc a reproché à plusieurs médias d’avoir médiatisé le fait qu’un discours à saveur économique de Philippe Couillard, livré à des gens d’affaires, fut momentanément interrompu par une dizaine de manifestants anti-austérité ayant réussi à s’introduire dans le bâtiment.
Un événement mineur qui n’aurait pas dû être médiatisé, selon le chroniqueur de La Presse. Reproche principalement adressé au secteur de l’information continue, tel que RDI ou LCN.
Des médias télés obsédés par la clip qui feraient donc de « l’information spectacle », en permettant aux manifestants tapageurs et munis de pancartes colorées de monopoliser l’attention des médias face aux décideurs politiques et aux gens d’affaires.
Heureusement que le secteur de la presse écrite dominé par Gesca avec ses 7 journaux est là pour réajuster le tir et contrebalancer l’avantage présumé et sûrement injuste du monde ordinaire dans la guerre de l’image face aux pauvres décideurs politiques et aux gens d’affaires…
La sortie de Dubuc trahit visiblement l’agacement de Gesca et de la grande famille libérale face à l’importance accordée par les autres médias à l’organisation de la résistance contre les politiques d’austérité du gouvernement. Comme c’est le cas avec Le Devoir.
Quoi ? Seulement une dizaine de « trouble-fêtes » marginaux ont réussi à entrer, appuyés par « seulement » 400 manifestants à l’extérieur de l’édifice ? Y’a rien là. Y’avait ben plus de gens d’affaires à l’intérieur ayant payé pour assister au discours de Philippe Couillard…
De là à conclure que tout ce beau monde endimanché votait libéral à 100 %, et que le nombre moins élevé de manifestants confirmerait aussi l’échec organisationnel de la résistance syndicale, étudiante et citoyenne contre l’austérité, parce que « seulement » 400 personnes auraient eu le cran d’aller se geler le cul pour manifester à - 1000 degrés, il n’y a qu’un pas biaisé que seul Alain Dubuc a pensé franchir pour la discréditer.
Comme si le nombre de manifestants opposés au néolibéralisme et aux politiques d’austérité du gouvernement libéral (que même un économiste pourtant pas à gauche tel que Pierre Fortin trouve « radicales ») était un argument pouvant contribuer à ce que Gesca daigne leur accorder une seule miette de crédibilité ! Qu’ils soient 400 ou plus de 250 000, comme lors des manifs du printemps érable de 2012…
Ajoutons qu’Alain Dubuc a aussi critiqué La Presse Canadienne et d’autres médias pour avoir publié une nouvelle incomplète en ayant omis de parler du contenu du discours perturbé, même si Dubuc avoue lui-même que Couillard est plate à écouter !
Deuxième critique : « La folie à nu », par André Pratte.
Le deuxième événement apparemment à la fois banal et mal couvert par les médias d’ici, et du monde entier puisque la nouvelle dite impertinente, sensationnaliste et incomplète a fait le tour du monde, est l’affaire de l’étudiante ayant dû subir une fouille à nu (jugée « respectueuse » selon le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc) parce que la direction de son école la soupçonnait de vendre des stupéfiants.
Si André Pratte n’a pas tort de préciser que cette affaire aurait pu se régler entre la direction, l’étudiante et sa famille, la nuance qu’il reproche aux autres médias de ne pas avoir pensé à faire, entre une fouille visuelle du corps dénudé et le « simple » fait de devoir se foutre à poil derrière une couverture pour une inspection de bobettes dans un lieu public, est assez hallucinante.
Comme si Pratte accepterait gentiment de se soumettre à cet exercice apparemment beaucoup moins dégradant.
Et tout ça pour essayer de sauver la face d’un ministre aujourd’hui démissionnaire, dont le gouvernement Couillard semble vouloir transformer en bouc-émissaire pour calmer un peu la grogne populaire, même si la maladresse libérale semble un virus généralisé.
La paille et la poutre
Le problème avec les critiques de Gesca, contre le traitement de l’information et le choix de nouvelles des autres médias, est que cet empire libéral est plutôt mal placé pour donner des leçons de journalisme à quiconque.
Tout d’abord par sa ligne éditoriale aveuglément partisane en faveur du Parti libéral.
Mais aussi parce qu’on ne compte plus les exemples de traitement douteux de l’information par les médias de Gesca.
Qu’on parle du sondage bidon sur l’appui à la loi anti-manif du gouvernement libéral lors du printemps érable. Sondage réalisé avant que la loi ne soit connue.
Ou encore le reportage incomplet sur les recommandations du dernier rapport d’Oxfam sur les inégalités sociales. Un rapport que La Presse a même eu le culot de discréditer « subtilement ».
On pourrait aussi parler de la « disparition » du sondage web biaisé sur la fierté canadienne que Gesca a réalisé sur son site de La Presse, le 1er juillet de l’an dernier.
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