La peur de l'autre
13 janvier 2013
À monsieur Gilles Jean,
je comprends bien ce que vous dîtes au sujet du multiculturalisme canadien et conçois les tords qu'il aurait pu y avoir contre la société québécoise. Or, pour moi il y a une différence entre rejeter le multiculturalisme canadien et rejeter une forme de multiculturalisme/inter-culturalisme à la québécoise. Le débat ne se situe pas dans le système politique, mais dans la réaction collective à l'autre, surtout dans un contexte nationaliste.
Il est vrai que la presse anglophone, que je me fais un devoir de lire de temps en temps, frise souvent le Québec bashing, ou du moins, une forme de militantisme anglophone. Mais s'il y a bien un Québec bashing, il y a aussi un « Anglo bashing ». Dans les deux cas, cela me donne mal au cœur, c'est une grande irresponsabilité sociale d'attiser la haine de l'autre. Malheureusement nous le faisons aussi, raison de plus pour quitter le dualisme ethnique.
À monsieur Michel Gendron, d’abord merci pour les beaux mots.
Pour moi, le multiculturalisme n'est pas qu'une idéologie anglo-saxonne, mais plutôt une solution morale aux problèmes contemporains. Le débat multiculturalisme/interculturalisme est un faux débat selon-moi. Ni l'un, ni l'autre de ces systèmes n'est réellement appliqué au Québec, ni au Canada. Rien n'est fait parce que chaque fois que l'on tente d'informer les gens sur les autres cultures, on se heurte à l'opinion publique qui ne veut rien savoir. Nous l'avons vu avec le cours de ECR. Comment la population réagirait-elle si le gouvernement lançait un campagne publicitaire pour expliquer ce qu'est et ce que n'est pas le port du voile? Si l'on signifiait au animateur de radio poubelle que chaque fois qu'un immigrant demande un accommodement, ce n'est pas un affront à l'identité québécoise, mais plutôt une demande à un système qui a été conçu à une époque la diversité était inexistante? Si l'on donnait à chaque nation au cœur du Québec une voix pour se faire entendre? Si l'on luttait contre les préjugés contre les autochtones? C'est cela le problème, on attend de tous qu'ils deviennent comme nous, qu'il parlent comme nous et pensent comme nous, alors que c'est impossible. En les rendant responsables de leur incapacité à se mouler à notre cadre, on empêche toute communication et espoir de les voir s'intégrer et aider notre province. Cela va au-delà du débat entre « isme »!
Je défend le multiculturalisme, non pas puisqu'elle est l'idéologie dominante, mais parce qu'elle est au cœur de mon mode de vie, de mes habitudes et de ma conscience. Je le défend depuis qu'il m'a été donné de parler politique, il y a bien longtemps, avant d'avoir une petite notion de systèmes d'intégrations sociale, avant même d'avoir entend parler de souveraineté. Pour moi, c'est une position instinctive, mais réfléchie qui est au cœur de mes aspirations. Que j'aille 17 ans, ou bien 80, cet idéal guide ma vie intellectuelle et sociale. Si bien j'aspire à élargir mes horizons et parfaire mon esprit critique, je ne deviendrai pas plus d'accord avec vous, je ne serai qu'encore plus outillé pour défendre cette position.
Et je ne suis pas le seul à ne plus comprendre le combat ethnique. En continuant cette attitude ethnocentrique, les souverainistes se coupent de l'appui de bien des gens qui ne voient pas dans l'autre une menace... Il serait temps de faire du capital politique sur autre chose!