Souffrance collective et réactions intempestives
11 septembre 2009
Bonjour M. Thompson,
Qu’est-ce qui en restera, de cet épisode pré-événement, dans quelques mois ? C’est toujours comme ça que ça se passe, toujours. La grosse presse fédéraliste qui a toujours le micro multiplie les interprétations tendancieuses. Ce n’est pas grave pour eux, les journalistes eux-mêmes ne s’en rendent plus compte depuis longtemps, c’est naturel. Ainsi est l’objectivité journalistique, à la fin, elle ne dérange pas l’ordre établi.
Il n’est pas important que les fédéralistes soient démagogiques, diffamants, et tout; ce qui compte, c’est la trace dans les mémoires. C’est la force des fédéralistes : ils sont omniprésents, ils sont la référence dans le temps, la SRC et La Presse, malgré toute leur désinformation, représentent encore et toujours la référence dans la tête des Québécois. Le Devoir, trop frileux de toute façon, juste par sa présentation (que j’aime bien), fait encore journal d’opinion, journal de combat. Il faudrait qu’il soit 3 fois plus gros, qu’il nous parle de n’importe quoi et soit rempli de publicité. Là les Québécois commenceraient à le prendre au sérieux. Les occidentaux sont en général des consommateurs / producteurs / bénéficiaires d’abord. Ils sont des citoyens seulement quand leurs intérêts proches et immédiats sont menacés autrement, ils se sentent impuissants et ne sont pas intéressés aux affaires de la Cité.
Les Québécois lisent le Journal de Montréal et de Québec. Et quand c’est important, on se réfère à la Presse. TVA est aimé mais quand c’est sérieux, on se fie à Radio-Canada.
C’est automatique, c’est inconscient, c’est irréfléchi : le vrai se trouve dans les paroles qui ne dérangent pas l’ordre établi. Moi je dis que c’est ici qu’il faut travailler. C’est le cœur du problème. C’est un angle déterminant du combat à mener. Au lieu de juste réagir au jour le jour aux actions hostiles ponctuelles, qui ne font qu’ajouter au conditionnement populaire, nous avons besoin d’un leadership déterminé. C’est la seule façon d’avancer dans le régime politique qui régit nos vies. Je n’aime pas les nombreux commentaires sur ce point précis : pas besoin de messie, c’est à la société civile de faire le chantier, etc., c’est faux, c’est trompeur. Les faits montrent depuis des décennies que la plupart du temps, ce sont les élites des différents partis qui font l’agenda et qui entrainent toute la population. Aucune initiative sérieuse quant à la citoyenneté et à la responsabilité collective n’est jamais retenue. Notre régime commande l’immobilisme, c’est un cercle vicieux : les gens votent pour ceux qui les flattent dans le sens du poil. Ils sont rassurés. Ils essaient de rester confortables, ils essaient très fort.
Nous devons prendre la place qu’occupe actuellement la SRC et la Presse (et toute l’armada de Gesca et de Power Corporation).
Depuis que Charest est au pouvoir, ça empire dramatiquement. Toutes les tentatives avortées de ce gouvernement (la réingénierie, le mont Orford, le financement des écoles privées, …) sont oubliées, on est habitué. Avant Charest il y avait Chrétien, à Ottawa. Même chose, on ne se gênait pas pour déconstruire le Québec. Le mouvement s’accélère, on nous engloutit sous les scandales et personne ne réagit, même pas ceux dont c’est le travail (les journalistes et les politiciens). On est habitué. Caroline Moreno a le talent de nous le rappeler. Nous sommes de plus en plus décadents, nous les occidentaux. Et notre décadence au Québec constitue le plus puissant bouclier à la conscience citoyenne tant nécessaire à notre émancipation puisque nous voulons grandir en respectant la démocratie, ce qui est tout à notre avantage. Il faut être patient, ne rien faire qui détruit nos chances, mais être déterminé quand même, avoir conscience des enjeux et le courage de procéder. Michel David nous disait récemment, avec raison, que l’émancipation des peuples peut prendre des siècles. J’ai personnellement le sentiment, à cause des nombreux signes que je vois au quotidien, qu’il y a urgence, qu’un point de non retour s’en vient.
Les bandits à cravate et les autres scandales qui ne sont pas liés au combat anti-nationaliste aident la confondre la population, qui n’y voit que du feu. Tout est pareil partout, tout va mal, c’est normal, il n’y a rien qui puisse être fait. Alors on se replie sur soi-même, la nation s’évapore, il n’existe plus que la cellule individuelle ou familiale, prise dans un monde de compétition capitaliste. Vivre signifie se débrouiller envers et contre nos voisins, nos frères. Les manifestations de solidarité sont nombreuses au Québec, mais elles demeurent toujours ponctuelles, la trace qu’elle laisse dans l’inconscient collectif est sans commune mesure avec le sentiment qu’il faut que le système dure et perdure.
La presse et les commentateurs hostiles sont habiles à mélanger les cartes. Vraiment, le traitement journalistique au Québec et le comportement de nos élites nationalistes est scandaleux. Attention, il n’y a pas nécessairement conspiration, les journalistes et les gens à leur suite sont entrainés depuis des décennies à penser en termes canadian, et donc il y a une méfiance persistante automatique pour toute volonté suspecte d’émancipation. C’est comme pour les nôtres qui sont riches : on se dit qu’ils ont dû tricher quelque part pour réussir comme ça. Voyez-vous l’ampleur du problème ? Ce conditionnement qui est altéré quelque peu par les réussites internationales de personnalités québécoises se maintient quand même dans le temps. Je ne vois pas que cela change la mentalité des gens au contraire, ça les rassure, on peut réussir malgré nos chaines. En trimant plus dur que nos voisins tout en gardant « le profil bas », on réussira à être heureux. C’est le sentiment général, politiquement, des Québécois.
Je vote PQ mais je trouve que seul Amir Khadir parle vrai, ces temps-ci, quand ça compte. Nous avons besoin de gens qui inspirent confiance. Et de journalistes qui voient clair et qui respectent ses lecteurs.