L'approche «passiviste» des candidats à la chefferie
24 juillet 2016
Monsieur Marcel Haché,
Merci de vos commentaires. Je réponds ici à plusieurs de vos réflexions.
Votre point de vue semble insister pour que le Parti Québécois se contente de gouverne du demi-État qui, en situation idéale, réparera les torts. Quels torts voit-on? La clientèle de la CAQ ne les voit pas à la même place que la clientèle des libéraux. Le PQ tout comme la CAQ n’a pas la clientèle de 22% d’anglophones. À ce jeu de gouverne nationaliste, il est deuxième et parfois troisième. S’il veut réparer le grand tort constitutionnel, changer le cadre légal, il n’a pas le choix de passer par le système électoral et tenir référendum ou élection référendaire. Les petits pas et les grands pas politiques doivent s’accorder plutôt que se renier.
Le PQ peut-il arriver à l’élection de 2018 en disant qu’il ne veut pas réaliser l’indépendance?
Donnez-moi une bonne raison de croire que sans engagement à réaliser l’indépendance, le PQ sera élu comme bon gouvernement ?
1- Qui pourrait croire que le chef d’un parti indépendantiste qui veut, plus que tout, faire du Québec un pays depuis 40 ans demande un mandat juste pour gouverner! Peu de gens le croiront qu’avec ce véhicule, il veut faire un petit tour de rien, une bonne petite gouverne de province.
2- Disons-le clairement. Bâtir un pays est une deuxième révolution… démocratique, c’est de cela qu’il est question.
3- Depuis quand perdre un référendum sur le changement de constitution fondamentale faisait gagner l’autre constitution rejetée par tous les partis, que les pseudo-fédéralistes d’Ottawa ont imposée sans consultation et que Couillard, pris au piège de la contradiction, ne mettra jamais au banc de la consultation populaire. Cette duperie assortie du coup d’État qui l’a accompagné ne doit pas être enterrée par le chagrin et les obstacles, ni être détournée, ni être aveuglée des multiples avantages de réussir « à la prochaine ». La persistance et la cohérence sont fondamentales dans toute réussite. C’est l’expression de l’espoir de vivre d’un peuple qui mord dans cette guerre à finir. Mourir pour sa patrie c’est aussi résister.
4- Ne pas tenir de référendum parce que la nation est divisée sur un sujet fondamental est trop vite dit. Faire un pays oblige la population à prendre ses responsabilités citoyennes. Tous voulons aller au ciel, mais personne ne veut mourir est le même paradoxe. Ce qui divise la nation n’est pas le référendum, mais l’opinion des citoyens sur la pertinence de bâtir le pays du Québec. Bien que curieux, le refus de se prendre en main n’est que la prudence de ceux qui ont louvoyé depuis 1764, évité l’américanisation, annihilé l’assimilation, gouverné malgré la haine puis déjoué l’acte de l’union législative malgré les traîtres. Cette prudence de sioux peut débloquer d’un coup du réveil qui met en marche tout un peuple.
5- Le reporter ce référendum, Mañana, sine die, report, verchieben, dopodomania, dans quelques langues qu’il soit dit, reporter a la même signification politique et la même portée que de le rejeter.
6- Affaiblir la substance première du PQ pour un objectif d’augmenter la clientèle est le parfait programme édenté et dégriffé pour ne pas faire peur. Il devient l’ombre de lui-même.
7- La stratégie de reporter le référendum coupe la possibilité d’un référendum dans les six prochaines années. Six années sont pourtant un temps de préparation tout à fait raisonnable. Qui se souvient que 58% des libéraux du Québec avaient l’intention de voter pour la souveraineté ! Au-delà de six mois en politique, on parle d’éternité. Une succession d’attentat, un scandale public, une épidémie, une crise économique, un désastre. Tout semble s’accélérer. Fermer la porte au référendum est mal ajuster à la réalité changeante qui se dessine.
8- Aussi, il est normal de faire des prévisions d’engagement budgétaire sur 5 ou 10 ans, mais pour un référendum c’est plutôt vu avec suspicion par tous. Il n’y a pas d’autre moyen que de fonder un autre parti pour le nationalisme assis. Ce que je qualifie de stratégie passiviste ne sied pas à un parti de la deuxième révolution…démocratique.
9- Vous conviendrez avec moi que le PQ a un lourd mandat de révolution démocratique qu’aucun autre parti n’a en mandat. Une situation unique qui crée un paradoxe ou une ambiguïté de plus. Il faut reconnaître que de prendre le pouvoir pour gouverner ne nécessite pas les mêmes approches qu’une révolution démocratique. Il doit faire un compromis sans se renier. Il doit donc persister et non abandonner. Il doit se plier aux règles du jeu électoral –programme, profil des candidats, stratégies- en étant toutefois direct et clair sur son intention de procéder à la réalisation du pays.
10- En 40 ans, le PQ a pris le pouvoir 5 fois dont deux fois (1976 et 1994) avec l’engagement d’un référendum. On peut justifier l’absence de référendum de l’élection en 1981 par l’après défaite référendaire de 1980, en 1998 par l’aberration du système électoral et finalement en 2012, les mains liées en minoritaire de justesse. Le pire moment a été en 2007 avec un programme mi-raisin et un chef affaibli. Perdu derrière l’ADQ dans le premier gouvernement minoritaire libéral depuis 129 ans.
Dans toutes ces élections, le PLQ est avantagé du quart de la population de non-francophones qui lui garantit dans la région de Montréal environ 30 comtés. Plus que toutes les autres analyses, l’impact du coefficient de corrélation de plus de 0,90 entre le vote PLQ et les non-francophones est significatif pour un niveau de confiance de 99%; il perpétue, si rien n’est fait, la domination du PLQ tant et aussi longtemps que le paradigme sociétal ne change. (Voir, Atlas des élections, P. Drouilly).
11- La théorie des petits pas que j’ai développée, il y a deux ans, à partir de la science de Leibnitz résulte en stratégie politique de faire de chaque geste d’état un geste de souveraineté. Se renier sur toute partie de la démarche contredit cette théorie. Fermer la porte à une consultation populaire sur le sujet contredit bêtement cette stratégie. J’y reviendrai.
12- Le candidat ou le chef qui aurait l’honneur de garantir qu’il va gagner un référendum avant de l’avoir tenue n’est pas né. Il y aura toujours un risque.
13- La tactique de guerre de trancher du « recul pour mieux avancer » ne s’applique pas à la tenue d’une consultation populaire. Nous sommes en état de guerre sans identifier, cibler l’adversaire et surtout sans le viser : ce qui est un problème urgent que les adversaires ont exploité avec trop de facilité. Ça fait deux cent quarante-deux ans que les Anglos nous soutirent le tapis des droits dessous les pieds, deux cent vingt-cinq ans que les séparatistes anglophones nous font du chantage, des peurs et des menaces de guerre de nous retirer du territoire. Il est temps de passer à l’action avec doigté.
14- À mettre la démarche référendaire en attente se compare à exposer le parti québécois de dos à l’adversaire devenant électoralement une proie pour tout prédateur.
Bref, sans être neutre, je ne vois aucun argument solide pour montrer que la stratégie que vous privilégiez soit gagnante! Au contraire, en s’assumant comme parti, on avance d’un pas à la fois.
Merci de prendre considérations de ces propos,
Michel Blondin