Le droit de grève est-il abusif au Québec?
12 mai 2025
12 mai 2025
Alors, M. Marineau, «le droit de grève est-il abusif au Québec?»
Je n’ai jamais été syndiqué. Ouf! dois-je confesser. La solidarité imposée: non merci pour moi.
La solidarité est un humanisme qui doit être ponctuel; jamais permanent. C’est la nature qui nous la commande et non pas un chef d’une quelconque organisation qui se veut charitable ou patronale.
Évidemment, n’ayant jamais levé de pancartes ou de cris à la justice des hommes, j’ai dû me ranger, accepter, assumer et me débrouiller. Je le confesse. Je n’en suis pas encore mort ni trop souffrant.
On m’a même reproché de manquer de respect aux moins nantis comme si j’étais un sans cœur, un parvenu, un égoïste de premier plan qui n’a de vision du monde que l’accumulation des richesses comme un vrai capitaliste sans autre ambition que de devenir plus riche, toujours plus riche, plus gros jusqu’à l’éclatement de sa panse.
Le syndicalisme est né au XIX siècle de l’abus du capitalisme et le droit de grève fut arraché de force aux puissants financiers. Mais depuis, le capitalisme a enrichi tout un chacun faisant des syndiqués (et du syndicalisme) une force qui peut à son tour en imposer à tout le monde.
Quand on impose, on ne propose plus. C’est là une lapalissade qui doit nous interroger sur le sens du droit de grève à savoir jusqu’où pouvons-nous imposer un droit acquis au prix de luttes qui deviennent maintenant plus fratricides que bénéfiques.
La justice est toujours un balancement entre le respect de soi et de l’autre. C’est l’abus qui crée la démesure. J’ai vu des travailleurs qui ne travaillaient qu’au salaire double de l’heure; plus jamais au salaire simple. J’ai entendu samedi dernier un travailleur qui clamait être écœuré de travailler 2 jours par semaine pour se reposer 5 jours, mais être content d’encaisser 1000. $ pour ses deux jours de travail.
Vous vous demandez si le droit de grève est abusif au Québec, et vous n’y répondez pas. Je vous répondrais que ce n’est pas la bonne question; il faut plutôt demander si le travail est encore compris comme la source de gagner sa vie et sa pitance pour se nourrir dans l’esprit des Québécois. Honnêtement parlant, faut-il se comparer sans arrêt et ne jamais être satisfait au nom d’une solidarité compulsive avec soi-même et les nôtres seulement?
Si je devais choisir aujourd’hui de travailler dans une organisation syndiquée ou non, je choisirais de travailler là où le syndicat n’existe pas, et je négocierais avec mon patron mes conditions de travail. Si l’entente me satisfaisait, j’y travaillerais sans regret. Quant à la solidarité, je la concevrais encore ponctuellement sans en faire une imposition à personne, sauf évidemment si la démesure (l’abus de pouvoir d’un côté comme de l’autre) devenait la mesure.
C'est quand on s'attribue des droits qu'on gagne en respect, mais qu'on perd en sens de la vie: la vie n'est pas un droit; elle est une chance à conjuguer sans en imposer. Desjardins était une coopérative née elle aussi des abus du capitalisme; aujourd'hui, les dirigeants de Desjardins abusent de la philosophie conceptuelle du coopératisme pour l'imposer au lieu de la proposer. Les exemples ne manquent pas: ils se comptent par centaines partout au Québec. C'est là un abus d'autorité qui lui sera fatal.