Le coup du mépris
14 février 2009
Il serait grand temps que les francophones du Canada se tiennent debout et fassent respecter, par exemple, leurs usages linguistiques. Rien ne m'insulte davantage que de lire, par exemple, dans un document produit par une institution canadienne ou provinciale, un horaire dans lequel on nomme les repas "petit déjeuner", "déjeuner" et "dîner". Soyons honnêtes, qui donc au Canada ou au Québec dîne le soir? Comment se fait-il que, en tant que traducteur, je ne puisse pas recourir à un dictionnaire de la langue canadienne-française sans risquer les foudres du réviseur (qui se fonde presque toujours sur un "Robert" édité à Paris, alors que mon "Canadian Oxford Dictionary", lui, fait presque toujours l'affaire quand je traduis vers l'anglais? La question mérite d'être posée, et j'en viens parfois à préférer la traduction vers l'anglais pour cette raison. Je suis particulièrement bien placé pour contribuer à une canadianisation accrue de la langue, mais je risque de perdre mon travail à trop vouloir ébranler certaines conventions, lesquelles me demandent parfois de m'agenouiller devant Paris, que j'admire beaucoup, certes (notamment le portrait qu'en brosse un Victor Hugo), mais qui me reste plutôt étranger. De plus, le Canadien que je suis n'a pas à s'agenouiller devant la capitale d'un pays que nous avons contribué à libérer en 1944. Nous sommes politiquement étrangers à la France depuis 1763, et, on ne le rappelle pas très souvent, ce sont les Anglais qui ont amené l'imprimerie au Canada. Car sous le Régime français, nous n'avions pas même le droit d'ouvrir une petite brasserie. On dirait que les deux grandes langues de notre pays composite n'arrivent à se réconcilier que dans les littératures.
Quant aux déclarations du président de cette Ve République, il est évident qu'il ne connaît rien à la politique canadienne (et encore moins à la québécoise). Sait-il seulement qu'un nombre non négligeable de francophones vivant au Québec continuent de s'identifier comme Canadiens-français sans oser l'affirmer tout haut? Les francophones du Canada sont aujourd'hui divisés entre Canadiens-français et Québécois, et ce, au Québec même. C'est une situation parfois très pénible.