Un bien triste 27 novembre

Québécois et Autochtones unis par l'Histoire

Tribune libre

L’année 2015 aura été chargée en épreuves, en émotions fortes et en luttes pour les tout premiers peuples fondateurs du Canada, aujourd’hui réduits au statut d’infimes minorités.

Femmes autochtones

D’abord, il y eut l’aboutissement des démarches de l’Association des femmes autochtones du Canada. Incapables de faire céder Stephen Harper dans son refus d’instituer une Commission d’enquête publique sur les 1200 femmes et filles autochtones disparues ou assassinées depuis 30 ans, ces militantes auront tout de même obtenu du Parti libéral du Canada, maintenant au pouvoir, la promesse de lancer une telle enquête. En octobre dernier, les allégations de sévices sexuels, d'abus et d'intimidation de femmes autochtones par des policiers de la Sûreté du Québec à Val-d’Or n’ont pu que renforcer leur cause.

«Vérité et réconciliation»

Il y eut aussi la conclusion de la Commission de vérité et réconciliation, ponctuée des douloureux témoignages de victimes des pensionnats autochtones. Dès 1883, l’instigateur de ces usines à assimilation, le premier ministre John A. Macdonald, ne cachait même pas son but de rayer les cultures amérindiennes de la carte du Canada. Pendant plus d’un siècle, 150 000 enfants ont ainsi été arrachés à leur famille. Déposé en mai dernier, le rapport des commissaires concluait au «génocide culturel», des mots lourds de sens que Stephen Harper a refusé de faire siens, lui qui, dès janvier dernier, avait entrepris de faire célébrer, par tous les Canadiens et durant toute l’année 2015, le bicentenaire de ce même John A. Macdonald.

Cause Caron: comme une seconde «pendaison» pour Louis Riel

Puis, le 14 novembre dernier, avant-veille du 130e anniversaire de la pendaison de Louis Riel, était inauguré à Maskinongé le Mémorial en hommage au grand chef Métis du Nord-Ouest et à sa grand-mère, Marie-Anne Gaboury, première femme non-autochtone dans l’Ouest canadien. À peine l’événement a-t-il rappelé aux Québécois leurs liens profonds avec les Premières nations que tombait, le 20 novembre dernier, le jugement de la Cour suprême sur la cause Caron.

Rappelons qu’après la rébellion des Métis de 1870, Louis Riel et son gouvernement provisoire de la Rivière-Rouge obtenaient, tel que promis par la Couronne, la création de la province bilingue du Manitoba, sur un territoire minuscule en proportion de la Terre de Rupert revendiquée. Mais pour Macdonald, «ces sang-mêlé impulsifs ont été gâtés par leur émeute, et doivent être maîtrisés par une main forte jusqu’à ce qu’ils soient inondés par un afflux de colons».

En 1885, opprimés et dépossédés de leurs terres, Riel et les Métis se soulevèrent de nouveau à Batoche, en future Saskatchewan. Cette fois, Macdonald envoya l’armée pour les massacrer à la mitrailleuse Gatling et achever les blessés à la baïonnette. Le français, langue officielle et d’enseignement, fut banni au Manitoba - jadis francophone aux deux tiers - ainsi que dans les nouvelles provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan, découpées en 1905 à même cette ancienne Terre de Rupert.

Ce que tentaient de faire valoir depuis 12 ans ces francophones de l’Ouest dans la cause Caron, c’est que les promesses de bilinguisme faites aux Métis en 1869 visaient toute la Terre de Rupert et qu’elles auraient donc dû avoir valeur constitutionnelle au moment de la création de l’Alberta et de la Saskatchewan. « Non », leur a répondu la majorité des juges du plus haut tribunal canadien, deux des trois magistrats du Québec étant dissidents. Selon l’interprétation réductrice de la Cour suprême, les «droits acquis» institués à l’époque dans ces deux provinces n’incluaient pas explicitement le français. Quel bel aval à la terreur…

Un génocide tout court

Et le 27 novembre dans tout ça? À la fin du 19e siècle, les troupeaux de bisons se trouvant décimés, les Premières nations de l’Ouest étaient en proie à la famine. Or, le gouvernement du Canada s’étant engagé par traité à subvenir aux besoins en vivres des Amérindiens en tel cas, John A. Macdonald y vit plutôt l’occasion de vider les Prairies de ses Autochtones pour mieux y faire passer son train du Canadien Pacifique, promis à la Colombie-Britannique afin qu’elle joigne le Canada.

Le Premier ministre créa donc le concept des réserves et y enferma les Autochtones, les privant intentionnellement de nourriture, comme l’a magistralement démontré le professeur James Daschuk («Clearing the Plains», University of Regina Press, 2013 - publié en français depuis trois semaines aux Presses de l'Université Laval). L’auteur ne parle pas de «génocide culturel» mais bien de «génocide» tout court. Mourant par milliers de faim et de maladie, les Autochtones se soulevèrent et prirent les armes. Autre massacre de l’armée canadienne.

Puis, il y a 130 ans jour pour jour, le 27 novembre 1885 à l’aube, une vaste foule d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards des réserves était forcée d’assister, à Battleford (Saskatchewan), à la pendaison de six Cris et deux Assiniboines. «L’exécution des Indiens […] doit convaincre l’homme rouge que c’est l’homme blanc qui gouverne», écrivit Macdonald. Huit d’un coup: c’est l’exécution la plus massive de l’histoire du Canada.

Solidaires des Premières nations

Alors, ces célébrations du bicentenaire de Macdonald: une lubie conservatrice à la Harper? Pourtant, les commissaires honorifiques de la Commission du bicentenaire se nomment Kim Campbell, Jean Charest, Jean Chrétien, Joe Clark, Paul Martin, Brian Mulroney, John Turner et Bob Rae. En ce 27 novembre, les Québécois devraient plutôt se sentir solidaires des Premières nations, victimes du suprématisme anglo-saxon de John A. Macdonald et de ses semblables orangistes, tout comme l’ont été les francophones de l’Ouest. Oui, soyons compatissants envers les réfugiés syriens que nous accueillerons bientôt. Mais, soyons-le aussi envers les damnés de l’histoire du Canada, car c’est bien ce qu’ils sont.

Une lecture essentielle pour comprendre le Canada:
https://www.pulaval.com/produit/la-disparition-des-indiens-des-plaines-maladies-famines-organisees-fin-du-mode-de-vie-autochtone

Maxime Laporte et Christian Gagnon, respectivement président général et conseiller général,
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
www.sinistrejohna2015.ca

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Christian Gagnon138 articles

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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 novembre 2015

    @ M. Robert Lachance
    Si je ne sais d'où je viens pour savoir où aller dans le futur, il y a beaucoup de québécois qui auraient besoin de GPS dans le moment. Dans votre commentaire que je ne trouve pas fort, pas fort, en écrivant ceci: Connaître des choix malheureux d'époque dans l'Ouest ne les aidera pas me semble à mieux voter pour le siècle qui vient dans l'Est.
    Si nous ne pouvons recréer le passé de l'ouest canadien, les jeunes québécois n'ont qu'à traverser la rue St-Laurent à Montréal, pour se rendre dans le WEST Island et ils n'ont qu'à ouvrir grand leurs yeux; ils se rendront compte assez vite où sont les vrais barons qui tirent les ficelles du "quebec liberal party"; ce sont eux les vrais colonisateurs du Québec. Avez-vous quelque chose de plus intelligent à me dire?
    André Gignac 28/11/15

  • Robert J. Lachance Répondre

    28 novembre 2015

    J’apprécie que vous rappeliez ces moments d’histoire du Canada, vous me les apprenez.
    Je note que vous comprenez comme moi que les Premières-Nations sont l’un des trois groupes fondateurs du Canada. Les deux autres sont les francophones et compagnie, disons La Deuxième et les anglophones et compagnie, La Troisième. J’en écris dans un contexte de refondation du mouvement indépendantiste québécois ici, là :
    http://vigile.quebec/La-refondation-du-mouvementcomment113154
    Monsieur Gignac,
    Il est bon de savoir d’où l’on vient si ça nous aide à mieux aller où l’on souhaite se rendre. À ce sujet, je pense que les jeunes doivent davantage être informés sur la faiblesse de notre force de travail et de leur poids politique par manque de régénération par natalité au Québec depuis 1970.
    Connaître des choix malheureux d’époque dans l’Ouest ne les aidera pas me semble à mieux voter pour le siècle qui vient dans l’Est.
    À ce sujet, se rapprocher de la minorité anglophone du Québec me semble un pas vers 60 % de oui lors d’une prochaine élection référendaire, d’un référendum, d’une révolution ou d’une expulsion.
    J’ai bien aimé le Discours de la victoire de M. Péladeau, en particulier ses mots aux anglophones.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 novembre 2015

    Monsieur Gagnon
    Ça c'est de l'histoire qu'on devrait enseigner dans nos écoles du Québec pour sortir du néant les jeunes qui ne connaissent pas leur histoire et qui ne savent pas voter. Mais pourquoi le Québec fait-il encore partie de ce pays qui nous renie complètement ainsi que les Premières Nations, après toutes ces bavures subies?
    Le lendemain du jugement de la cour suprême d'Ottawa dans l'affaire Caron, Péladeau demandait aux membres du PQ réuni, en conseil général (?), de se rapprocher de la minorité anglophone du Québec. Méchant "timing", ne trouvez-vous pas? Je désespère de ce parti pour nous mener à l'indépendance. Excellent texte!
    André Gignac 25/11/15