Comprendre le passé pour résoudre l’avenir

Le délitement de la Nation est-il réversible?

Commentaire suite à la conférence de Marion Sigault et Jean-Claude Dupuis à Québec le 11 mai 2017

Tribune libre

Il est de bon ton de critiquer l’autorité traditionnelle comme rétrograde et tyrannique. La conférence de Marion Sigaut et Jean-Claude Dupuis à Québec est venue jeter un éclairage cru sur les révolutions prétendument progressistes en France et au Québec. Au delà du diagnostic, y a-t-il une solution au déclin de nos sociétés nationales?

Le diagnostic
La Révolution française est loin d’être le mouvement de libération populaire que nous présente l’histoire officielle. Comme l’explique l’historienne Marion Sigaut ([[1]]), la Révolution est le renversement de l’Ancien Régime au profit d’une nouvelle classe dirigeante, la bourgeoisie franc-maçonnique. Dans l’ordre ancien, la noblesse assurait la direction politique et la protection du peuple, le clergé assurait la direction spirituelle, les soins et l’éducation, et le tiers état produisait la richesse. Cet ordre appelé tripartition assurait un équilibre fonctionnel de la société.
Au nom de la philosophie des Lumières, la Révolution a balayé l’ordre ancien au profit de la bourgeoisie fortunée et ses chimères libérales. L’abolition des privilèges a permis aux bourgeois d’accaparer les terres tandis que les paysans devaient s’endetter pour acheter les terres autrefois concédées. Avant la Révolution, les paysans vivaient sans manquer de l’essentiel, tandis qu’après, la misère s’est généralisée. De même, les artisans ont perdu la protection que leur accordait leur corporation. L’Église d’abord opposée à ces injustices a subi la persécution.
Au Québec la Révolution tranquille a amené des changements similaires. L’époque Duplessis, loin d’être une période de grande noirceur comme on nous la présente a été une période d’effervescence économique et sociale qui a débouché sur la Révolution tranquille. L’historien Jean-Claude Dupuis ([[2]]) dresse un tableau sans complaisance de la réforme de l’éducation ou réforme Parent.
Plutôt que moderniser l’éducation, cette réforme d’inspiration franc-maçonnique a davantage acculturé les Canadiens-français pour en faire des citoyens semblables aux Nord-Américains. D’un peuple « d’esprit chrétien et de génie français » selon le rapport Tremblay en 1957 nous sommes devenus des citoyens déracinés par « l’interculturalisme et les droits de l’homme » tels que promus dans le rapport Bouchard-Taylor en 2008. Notre système d’éducation qui faisait l’envie d’autres nations semble être devenu une fabrique d’analphabètes fonctionnels et de consommateurs décervelés.
Peut-on faire marche arrière?
La solution apparente serait de faire marche arrière pour reprendre la bonne direction. Mais ce n’est pas si simple. Jean-Claude Dupuis précise que l’épiscopat était divisé au sujet de la réforme Parent. La majorité était contre alors qu’une minorité dont le cardinal Léger était favorable. C’est le Vatican qui a tranché en faveur de la réforme à l’issue du concile Vatican II. Ce qui fait dire au conférencier que « le  poisson pourrit par la tête ». Le clergé s’est alors rallié ainsi que la population.
Il faut comprendre que l’Église est une institution de pouvoir, pouvoir qu’elle partage avec les autorités politiques, parfois en contradiction avec elles. C’est ainsi que l’Église a servi a conserver le caractère distinct du Québec en imposant ses exigences par dessus celles des autorités civiles. Mais l’Église ne peut s’opposer fondamentalement au pouvoir politique sous peine d’être évincée. Quant à savoir si l’Église nous a sauvés ou trahis ([[3]]), les deux sont vrais. Elle a d’abord servi ses intérêts en servant le pouvoir politique ([[4]]).
D’ailleurs il serait utopique de revenir à une société autoritaire qui régentait la vie privée des gens. Les femmes en savent quelque chose. Et qui voudrait renoncer aux libertés auxquelles la société nous a habitués? C’est sans compter les décennies de lavage de cerveau et d’abrutissement par les médias de masse ([[5]]) qui rendent toute conception spirituelle étrangère à la compréhension des nouvelles générations.

Et pourtant…
À moins de considérer nos ancêtres comme des idiots attardés, il y avait quand même du bon dans la culture qu’ils nous ont transmise. C’est que l’Église incarnait pour eux le Bien et qu’il suffisait de s’y rallier. Ce comportement induit une bonne dose de conformisme et les résultats ne sont pas toujours heureux. C’est pourquoi nous sommes dans une impasse aujourd’hui.
Le problème c’est que nous considérons les moyens comme des buts ([[6]]). Le Bien est le but à atteindre tandis que tout le reste n’est que moyens pour y arriver. Comme le dit l’Évangile, « C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez »(Matt., 7,16). Et alors il devient possible de sortir du conditionnement à la médiocrité que nous impose la société néo-libérale. Pour ce faire il faut assumer notre responsabilité de citoyen et exiger que la société se conforme au Bien commun tel que nous l’avons appris par notre culture. Ainsi le citoyen devient partie prenante d’un projet collectif qui donne un sens supérieur à sa vie tandis que le consommateur soumis à ses impulsions manipulées demeure un éternel « sans dessein ».
Ceci implique que l’autorité finale en société ne réside ni dans d’une classe désignée, ni dans des tribunaux de droits individuels, mais bien dans la majorité démocratique. Et si la majorité décide qu’elle veut imposer sa loi, alors telle devrait être la loi. En effet, si la société rejette l’autorité de droit divin, de quelle autorité un groupe d’inspiration franc-maçonnique imposerait-il des droits à l’encontre de la majorité?
L’équilibre et le bien-être de la société ne réside pas dans l’individualisme forcené , la guerre de tous contre tous, mais dans la coopération ([[7]]). Les rivalités partisanes ne profitent qu’aux plus riches qui manipulent les uns contre les autres. Le mépris affiché dans les médias contre le populisme, c’est aussi le mépris de la démocratie. En France, on dépeint le Front National comme l’extrême-droite alors qu’elle défend la majorité et on présente le parti élu comme modéré alors qu’il représente le vrai fascisme des classes dirigeantes ([[8]]). Au Québec, le langage outrancier des radios populistes traduit une frustration dont les politiciens devraient tenir compte. Les solutions ne sont ni à gauche ni à droite mais en dehors des sentiers battus ([[9]]).
À ce sujet, les défis ne manquent pas. Il faut défaire la culture de corruption ([[10]]), les accords de libre-échange qui risquent de nous entraîner par le fond avec les États-Unis ([[11]]) et toutes les manipulations qui menacent les intérêts et la sécurité du peuple.


Conclusion
La Révolution française n’est pas la révolution populaire et progressiste qu’on nous présente habituellement mais le coup de force de la bourgeoisie franc-maçonnique. La Révolution tranquille au Québec a promu les mêmes intérêts. Il serait illusoire de retourner à l’ordre ancien puisque le Vatican lui-même a appuyé la réforme Parent. Il s’en est suivi une perte progressive de repères et de culture dans la population. Faute de direction par les classes au pouvoir, la population doit affirmer son pouvoir démocratique et rétablir les valeurs qui mènent vers le Bien commun.
Références
1 Marion Sigault, http://marionsigaut.com/video_youtube/1789-na-jamais-ete-la-revolte-du-peuple
2 Jean-Claude Dupuis, Le siècle de Mgr Bourget, http://manuscritdepot.com/a.jean-claude-dupuis.3.htm
3 Jean-Claude Pomerleau, http://vigile.quebec/L-Eglise-catholique-nous-a-t-elle-76827-76827
4 Nicolas Bonnal, http://lesakerfrancophone.fr/les-tres-vieilles-racines-spirituelles-de-la-russophobie
5 Nicolas Bonnal, http://reseauinternational.net/la-culture-moderne-comme-arme-de-destruction-massive/
Nicolas Bonnal, http://reseauinternational.net/comment-la-culture-moderne-detruit-nos-pays-suite/
6 Simone Weil, http://lesakerfrancophone.fr/note-sur-la-suppression-generale-des-partis-politiques
7 Brandon Smith, http://lesakerfrancophone.fr/regles-et-dangers-pour-organiser-des-groupes-de-protection-et-de-survie
8 Thierry Meyssan, Kadima! En Marche! http://www.voltairenet.org/article196289.html
9 Ugo Bardi, http://lesakerfrancophone.fr/la-pomme-et-la-fourmi
10 Alain Patenaude, http://vigile.quebec/Bienvenu-dans-la-republique-de
11 Simon-Pierre Savard-Tremblay, http://vigile.quebec/L-ALENA-entre-attentes-et-craintes

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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mai 2017

    Article utile qui met la réflexion sur de bonnes pistes.
    «La Révolution française n’est pas la révolution populaire et progressiste qu’on nous présente habituellement mais le coup de force de la bourgeoisie franc-maçonnique.
    Une des premières lois de la révolution française a été de promulguer la Loi Le Chapelier. Wikipedia en parle en ces termes :
    La loi Le Chapelier, promulguée en France le 14 juin 1791, est une loi proscrivant les organisations ouvrières, notamment les corporations des métiers, mais également les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le compagnonnage.
    Cette loi suit de très près le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, tant dans ses objectifs que par la chronologie. Elle interdit de fait les grèves et la constitution des syndicats au cours du siècle suivant, mais aussi certaines formes d'entreprises non lucratives comme les mutuelles.

    Le caractère maçonnique (esprit judéo-protestant) de cette loi n'est pas à démontrer et témoigne de l'esprit strictement matérialiste bourgeois de la révolution française.
    «La Révolution tranquille au Québec a promu les mêmes intérêts.»
    Deux siècles plus tard, le «rattrapage» qu'il pressait de faire au Québec a pleinement profité de l'énergie des baby boomers pour commencer la dénationalisation tranquille. On a fini par faire table rase du passé, dépeint comme une «grande noirceur». Cette «libération», ce qu'il en résulte, comme on juge d'un arbre à ses fruits, aura surtout servie à faire tomber les barrières à la société de consommation et à l'influence américaine. Si cette mondialisation devait se produire, on peut regretter que l'effondrement de l'âme canadienne-française qui se produisit en même temps ne puisse la mâtiner davantage.