Le crime du juge Jacques Delisle

Chronique de Louis Lapointe

J'ai écrit en 2013 un billet sur l'affaire Delisle. Pour moi, il était clair à l’époque que Jacques Delisle refusait de témoigner parce qu'il avait aidé sa femme à se suicider. C'était la seule façon logique d'interpréter sa décision de ne pas témoigner.

«Personnellement, j’ai toujours pensé que le juge Delisle avait pu assister son épouse dans son suicide, cette dernière l’ayant convaincu de l’aider en lui expliquant que vivre enfermé dans son corps était un pire châtiment que celui de risquer la prison à vie.

Alors qu’elle ne pourrait plus jamais reprendre sa liberté, il pouvait toujours requérir les services du meilleur avocat au Québec dans l’éventualité où il serait accusé du meurtre de son épouse.

Même dans le cas où il serait trouvé coupable de meurtre prémédité, la prison à perpétuité ne pourrait jamais constituer à ses yeux une pire condamnation que celle qu’elle vivait chaque jour en raison de son état physique.

Si tel est le cas, on comprend mieux pourquoi l’avocat Jacques Larochelle ne pouvait faire témoigner son client, l’assistance au suicide et le meurtre par compassion n’étant pas des défenses valables dans notre droit (...) » La certitude et le doute


Ayant moi-même plaidé devant juge et jury, je connais très bien les risques associés au contre-interrogatoire d'un accusé par la couronne. Ils sont nombreux.

Ainsi, en plus des éléments reliés à la commission du crime, tous les détails de la vie personnelle de Jacques Delisle et ceux de sa relation avec sa maîtresse auraient été révélés au grand jour.

Comme Jacques Delisle est un ancien juge émérite de la Cour d'appel qui connaît très bien les règles du jeu, il peut donc difficilement plaider que sa belle-fille a pu l'influencer alors que c'était lui l'expert et elle la néophyte.

Étant aussi père et grand-père, je peux comprendre l'attitude de sa belle-fille, je comprends également son désarroi de mère, mais je peux difficilement accepter les explications du grand-père.

Jacques Delisle avait probablement déjà pris sa décision de ne pas témoigner et sa belle-fille n’est venue que le conforter dans sa décision lorsqu'elle a évoqué les impacts négatifs de son éventuel témoignage sur la vie de ses petits enfants. Je trouve donc ignoble qu’il utilise aujourd'hui les réticences de sa famille pour justifier sa décision après le fait. D’autant plus que son avocat, le meilleur au Québec, lui avait recommandé de témoigner.

Qui auriez-vous écouté si vous aviez été un ancien juge de la Cour d'appel, votre belle-fille ou votre avocat?

L'ex-juge Delisle a pris seul la décision de ne pas témoigner, de ne pas suivre les conseils du meilleur criminaliste au Québec.

À titre d'ancien juge, il connaissait les conséquences de sa décision.

Sa famille n'a aucune responsabilité à ce chapitre. Il ne peut donc invoquer leur influence dans sa décision comme motif de révision de sa condamnation.

D'ailleurs, un homme raisonnable aurait suivi les conseils de son avocat, pas ceux de sa belle-fille.

Or, le requérant était un homme compétent et avisé en droit criminel et son avocat, une sommité dans son domaine.

Un élément important qui sera pris en compte par le ministre de la Justice lorsqu’il devra décider du sort d’un homme qui a sciemment fourni et chargé l’arme qui a servi au suicide de son épouse handicapée alors qu’il projetait de partir vivre avec sa maîtresse.

Un crime qui arrangeait bien les choses à l’époque.

***

Sur le même sujet:

La certitude et le doute

Featured bccab87671e1000c697715fdbec8a3c0

Louis Lapointe534 articles

  • 888 547

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    6 avril 2015

    À mon avis, il était clair dès le début de cette triste histoire que le juge Delisle était responsable du décès de son épouse. Elle était découragée et contemplait en finir mais sûrement pas d'une balle dans la tête. Il a dit à la police qu'il s'était querellé avec elle le matin et qu'il n'entrevoyait pas sa retraite de cette façon. Sa nouvelle version des faits est plus doucereuse et indique son désir de réagir au 'cri du coeur' de sa Nicole.
    Le juge aurait pu l'accompagner en Suisse ou dans un autre pays pour un suicide assisté et légal. Il en avait les moyens. Il aurait pu la déménager dans un centre de réadaptation et de soins de longue durée où elle aurait pu faire des progrès. Si c'était le désir de son épouse d'en finir, il aurait dû convoquer la famille et préparer des documents à cet effet.
    Il avait tellement d'autres options que de lui tirer une balle dans la tête ou de la laisser le faire tant bien que mal. Elle aurait pu rater son coup et se retrouver encore plus diminuée. Ce n'est pas logique du tout.
    Comment aurait-il pu témoigner après avoir dit que la boîte contenant le pistolet était dans l'entrée? Il lui aurait fallu contredire les faits présentés au procès pendant son interrogatoire.
    Il aurait été inculpé de toute façon pour avoir menti, trafiqué les preuves et possession d'une arme sans permis. À son âge, il a préféré jouer le tout pour le tout car même une sentence abrégée lui aurait été fatale.
    Sa belle-fille est prête à devenir le bouc émissaire pour qu'il soit remis en liberté. Je les comprend car ils ne veulent pas voir leur père mourir en prison après avoir mené une vie assez exemplaire. C'est une situation très triste du début à la fin. Compte tenu de ses connaissances juridiques et de son statut financier, son geste est toutefois inexcusable aux yeux de la loi.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2015

    Monsieur Lapointe, J'apprécie grandement votre éclairage. Je trouve désolant d'entendre Jacques Delisle laisser planer une lourde responsabilité sur les épaules de sa brue. L'entrevue avec les enfants de celui-ci disponible sur le Web m'a causé un réel malaise. La brue écope encore. Comment expliquer que dans une famille qui compte un juge et une avocate, le poids des mauvaises décisions et du jugement douteux soit porté par une seule personne ? Je souhaite que le ministre de la justice prenne la décision appropriée dans ce dossier en tenant compte que Monsieur Delisle est un citoyen comme les autres. Tout le battage médiatique depuis une semaine prouve, par contre, que les moyens de celui qui a été condamné sont hors de l'ordinaire et que la tribune lui est facilement redonnée.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2015

    Si vous me permettez, j'aimerais soulever un point important. On dit que monsieur était un juge émérite, familier avec les règles de droit, etc..S’il a aidé sa femme à se suicider, pourquoi diable n'a t-il pas pris soin d'enregistrer les dernières volontés de sa femme? Cela ne rendrait pas le geste plus légal, mais pourrait à tout le moins lui faciliter la tâche aujourd'hui. Avez-vous entendu son témoignage à Enquêtes? On ne décide pas de s'enlever la vie comme ça, en se levant le matin. Quelque chose cloche.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mars 2015

    Qui auriez-vous écouté si vous aviez été un ancien juge de la Cour d’appel, votre belle-fille ou votre avocat ?
    Comme vous le dites :Or, le requérant était un homme compétent et avisé en droit criminel et son avocat, une sommité dans son domaine.
    Or, l’accusé est un ancien juge émérite de la Cour d’appel qui connaît très bien les règles du jeu.
    C'est quoi la différence entre tirer toi même ou charger une arme de plusieurs balles et déposer l'arme sur la table a ses cotés pour qu'elle le fasse ?
    Le résultat est le même
    Dans sa première version le juge Delisle dit être ensuite parti et qu'as son retour il as été surpris de voir sa femme morte ..désolé mais c'est une surprise qui n'en est pas une une sauf pour lui
    Son arme est illégale et non enregistrer

    Il prend soin d'effacer les empreintes ...donc il participe a détruire des preuves afin de camouffler un crime et ainsi tromper la justice
    Son histoire commence avec un mensonge et maintenant il admet avoir menti devant le tribunal ce qui est d'autant plus grave qu'il connaissait les graves conséquences comme juge que de mentir devant un tribunal
    Quand tu dit la vérité tu n'as qu'une version ..pas deux ou trois
    A ce compte la tout les meurtiers condamner a la prison pourraient eux aussi revenir en arrierre avec une autre version des faits qui ferait leur affaire pour avoir un nouveau proces .
    ça finiras plus jamais et il faudrait refaire tout les proces baser sur leur nouvelle version des faits sans avoir aucune nouvelle preuve a soumettre a un tribunal autre qu'une nouvelle version des faits
    Il s'écoule beaucoup de temps entre deux proces et pas mal de témoins et de preuves peuvent disparaitre ce qui joue en faveur de celui qui vas invoquer une nouvelle versions des faits sans avoir de nouvelles preuves a soumettrent
    Il ne faut pas oublier que le juge Delisle avait une maîtresse et qu'ils avaient de grands projets ensembles et que son mariage pouvait etre un obstacle
    Placer trois balles dans un revolver et le placer sur la table pour qu'elle s'en serve était finalement une bonne idée pour lui
    Je ne suis pas avocat mais si j'étais juré dans un nouveau proces je ne vois vraiment aucune nouvelle preuve qui pourrait changer le verdict du proces précédent
    Maintenant le juge Delisle dit oui j'ai contribuer a sa mort en lui donnant le revolver que j'avais charger

    Ce n'est plus du tout la meme histoire que son avocat défendait en cour
    James Lockyer croit que Jacques Delisle a été condamné sur la base d'une preuve balistique erronée et parce qu'il a refusé de témoigner à son procès.
    Le refus de témoigner a son proces était quand même son choix et comme expert en droit le juge Delisle était tres bien informer des conséquences de son choix et que s'il l'as fait c"était en toute connaissance
    « Nous avons la certitude que mon père n'a pas tué ma mère. Nous n'en avons jamais douté un seul instant »
    — Le fils de Jacques Delisle, Jean Delisle
    Une certitude c'est une affirmation et non pas une preuve
    Pourquoi l'ex-juge Delisle aurait-il menti?
    « Je crois absolument, totalement, et sans réserve et sans limite, à son innocence. Je suis convaincu que c'est une erreur judiciaire. »
    — Me Jacques Larochelle
    http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/03/19/007-jacques-delisle-ex-juge-avoue-aide-femme-suicide.shtml