La politique agonique

Éditorial de juin 2023

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La CAQ accélère le déclin de notre nation... dans la bonhomie

Le spectacle, pourtant prévisible, a été d’une affligeante médiocrité. Un Drainville larmoyant, une Biron marchande de tapis, l’ambitieuse Guilbault prête à tout pour tailler sa voie vers le devant de la parade, toute cette piétaille a serré les rangs pour garder sa pitance ! La désolation. Mais rien de plus pitoyable que le creuseur de tunnel en chef ! François Legault s’est enlisé jusqu’au cou dans le marécage qu’il avait creusé, payant d’un déshonneur ineffaçable la rançon de l’arrivisme. La politique provinciale a franchi un cap historique : la CAQ a lancé la province à tombeau ouvert dans la politique mortifère. Dans la politique du simulacre pour habiller le déni et la démission.


Le Québec ne régressera pas dans la dignité.


Le deuxième mandat de la CAQ est d’ores et déjà celui du reniement de soi. Dévoiement des engagements électoraux, démission devant les menées d’Ottawa, renoncement à servir la nation pour mieux distiller la médiocrité politicienne, le gouvernement de François Legault surpasse d’ores et déjà ceux du tandem Charest/Couillard. Il ne parvient même plus à se donner lui-même l’air de croire à sa rhétorique nationaliste. Il en change au gré des sondages et… des camouflets. Le premier ministre se crispe de plus en plus souvent, au point de ne plus pouvoir masquer ses grimaces sous ses airs débonnaires : François Legault se découvre en train de saper ce qui reste de fondement à notre demi-État. L’homme de la troisième voie est plutôt devenu celui de la première pelletée, celle du fossoyeur. La politique qu’il improvise, brouillonne et à la petite semaine, a de quoi donner le vertige. Dans quel état laissera-t-il le Québec ? À quel cynisme et à quel dégoût pour ses propres institutions acculera-t-il notre peuple ?


Il est pourtant inutile de jouer les prophètes de malheur, sa coalition s’en fait déjà l’artisane. C’est un gouvernement qui, sans le savoir, sans le vouloir, est un gouvernement radical. Radical d’une manière qu’il ne soupçonne guère, car sa ruse se retourne contre lui, le frappera avec la violence de la tige d’une tapette à rat. À la fin de ce mandat-ci ou au cours du suivant si le malheur s’acharne, il aura radicalisé notre existence nationale au point d’engager le Québec sur la voie de la politique agonique, celle de la résignation à subir tous les reculs, toutes les humiliations avec la consolation de se trouver malgré tout vivant. Vivant d’une vie indigne, mais vivant avec l’horizon bas de plafond d’une minorité condamnée. Il a retourné le sablier, François Legault. Sous les applaudissements et l’unanimité de ses congressistes. Il a la gloriole, il aura le déshonneur.


Chacune de ses démissions aggrave les lois de la démographie. Le comptable lésine tant sur le courage et l’honneur qu’il fait monter les coûts de l’émancipation. Quelle dose de crédulité ou d’aveuglement volontaire faut-il s’administrer collectivement pour lui accorder le bénéfice du doute ? Il sait ce qu’il fait et peut-être, au fond, n’a-t-il que le courage de sa force. Auquel cas, peut-être faut-il lui accorder plus de pitié que de blâme. Après tout, la politique politicienne sous régime canadian ne peut produire que des destins pareils. Il se consolera de ce qui nourrit sa vanité à jouer les patriotards d’opérette.


Mais il n’en ira pas de même de notre peuple, exposé par les turpitudes d’une engeance démissionnaire aux pires avanies et au déclassement social dans sa propre maison, dépouillé par les arrivistes qui auront entrepris de dépecer ses acquis avec la joie mauvaise des ingrats qui se goinfrent dans les biens d’héritage. La CAQ pratique une forme de politique de la terre brûlée que nous ne parvenons pas encore à nommer franchement, mais dont les effets se font déjà sentir. Quiconque s’est fait humilier dans un accrochage linguistique comme on ne l’imaginait plus possible, peut d’ores et déjà entrevoir à quoi commence à ressembler notre mise en minorité chez nous. Le projet de société que nous construit la CAQ se dessine dans les rues de Montréal et dans les centres commerciaux de Laval. La rhétorique fait encore son effet, mais cela ne suffira bientôt plus, sondage ou pas. François Legault a la popularité, il sèmera l’affliction.


La mise en minorité et la résignation agissent trop souvent comme des poisons livrés à petite dose. L’éternelle minimisation des pertes, l’art de tergiverser pour s’inventer des mesures dilatoires et des voies d’évitement nous font déjà subir des dommages considérables. Nous nous les infligeons à nous-mêmes en tolérant la médiocrité à laquelle ce gouvernement condamne notre vie collective, nos débats et nos projets. Sa politique est une politique de faibles qui gèrent l’affaiblissement en produisant des leurres pour tenter de convaincre que le Québec n’est pas à la merci d’un régime qui réduit chaque jour davantage notre État au statut d’agence de services. Une affaire de provinciaux qui confondent l’ambition des parvenus avec la fierté légitime de l’accomplissement. Les fanfaronnades avec la dignité.


Il faudra bien finir par en finir. Car nous savons que la vie agonique ne laisse rien espérer d’autre que l’engourdissement, jamais l’élan, le dépassement. Il faudra bien en finir avec l’amnésie pour couvrir les engagements bafoués et sortir de la torpeur qui refoule la vie politique dans l’insignifiance, au plus proche de l’existence comateuse.


Plus rien ne sert de considérer la politique de la CAQ pour autre chose que ce qu’elle est : un simulacre de recherche d’un destin national. C’est le renoncement à soi en faisant des phrases pour se donner l’illusion que cela se fera sans douleur, dans le confort anesthésiant. Il ne demandera rien, il ne fera pas de chicane. Il bombera parfois le torse pour sitôt ramper sous le tapis. Il tendra l’autre joue et n’en finira plus d’encaisser les rebuffades en multipliant les euphémismes et les périphrases pour mieux se résigner à dire « que c’est comme ça qu’on vit ». Il le répètera au moins 500 000 fois par année canadian. Et Ottawa s’en fichera.


À la veille de la Fête nationale, plus rien ne sert de porter attention aux incantations nationalistes de ce gouvernement. Le choix radical est désormais posé et il est incontournable : sans l’indépendance il n’y aura pas d’avenir français, il n’y aura pas d’héritage et encore moins de fierté. C’est du côté de la lutte que nous les trouvons. Et c’est de ce qui nous a toujours fait persévérer contre toute espérance que nous ferons des prochains rendez-vous politiques une victoire contre l’improbable.

 


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Robert Laplante173 articles

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]